Une décision un peu folle, mais une expérience inoubliable : mon séjour en Algérie

Quelle idée, quand on a 18 ans, de décider de tout laisser : famille, amis et de partir en Algérie, en plein conflit, en 1959, pour aller scolariser des enfants musulmans ?

Des difficultés familiales ont fait que nous nous sommes retrouvés, mon père ma mère et moi-même, dans une situation financière très grave. Moi, j’avais un peu moins de 18 ans; j’avais été refusé dans tous les établissements scolaires de Toulouse et je suivais …. des cours par correspondance pour avoir mon bac. Peine perdue. J’étais un peu à la dérive.

Et un jour par hasard, j’apprends ( comment ? je n’en sais rien) qu’un décret est sorti pour recruter des personnes titulaires du B.E.P. ou du B.S.C afin qu’ils puissent aller enseigner en Algérie: faire office en fait d’Instituteurs au rabais pour compenser le fait que nos chers Instituteurs qui avaient les diplômes pour enseigner à nos chères petites blondes refusaient d’aller là-bas pour enseigner. En effet, cela se situait en 1958/1959. C’était une période « chaude » en Algérie.

Je remplis mon dossier de candidature et un beau jour je reçois une invitation à me présenter à L’inspection Primaire de Bordj-Bou-Arréridj en Algérie.

 Et voilà comment un jour je me suis retrouvé à Port-Vendres pour prendre le bateau. Je crois qu’il s’appelait « El Mansour ». Je n’avais jamais pris le bateau naturellement.

Arrivée à Alger qui portait les traces de la guerre : impacts sur les murs de la Gare,etc….Je me rappelle avoir été impressionné par tous ces enfants interpellant les passants pour mendier, ou pour cirer leurs chaussures. Pour un jeune homme de 18 ans, n’étant jamais sorti de sa province métropolitaine, c’était assez impressionnant.

Puis il a fallu prendre le train.

Les trains n’étaient pas très confortables et n’allaient pas très vite. Le trajet était interminable. A certains endroits, avant le passage du train, un engin militaire blindé nous devançait pour « ouvrir la route » si l’on peut dire pour des questions de sécurité. C’était assez stressant. Les paysages défilaient. Nous traversions des régions où les traces du conflit étaient visibles. Des arbres calcinés par des bombardements probablement. Je commençais à me poser des questions sur cette décision de partir comme je l’avais fait.

L’arrivée à Bordj-bou-Arréridj a été pour moi un choc. Je me retrouvais dans un pays où j’avais vraiment l’impression d’être un étranger. Finis les vêtements européens. J’ai eu à ce moment-là l’impression d’être vraiment ailleurs. Des hommes habillés en djelabas, des gamins mal vêtus qui couraient partout, interpellant les quelques européens qui descendaient du train. J’étais perdu dans cette foule bigarrée, bruyante, agitée. Un taxi trouver un hôtel dont je ne me rappelle plus le nom.

Le lendemain je me rendais à l’Inspection primaire pour le rendez-vous que l’on m’avait fixé.

J’effectuais un stage dans une classe pendant quelques jours . Là je fis connaissance avec un autre jeune européen dont le nom était CHRISTOPHE. Il était dans la même situation que moi. Nous étions appelés des Instructeurs et nous faisions partie du Plan de Scolarisation en ALGERIE.

A la fin du stage, nous devions être affectés sur un poste pour scolariser les enfants algériens.

Mon collègue me dit :  » J’ai un frère qui effectue son service militaire dans un village à côté de Bordj, il est sergent d’une S.A.S, nous pourrions demander à être affectés dans ce village. »

Après tout pourquoi pas ? Nous avons demandé à rencontrer notre Inspecteur et nous lui avons proposé de nous nommer là-bas. Ce village s’appelait ZEMOURAH. IL était situé au Nord de BORDJ, à la frontière de la Petite Kabylie. Lorsque l’Inspecteur a entendu notre demande, il a paru un peu surpris. Il nous a demandé si n’étions pas un peu inconscients.

Nous avions 18 ans et nous étions effectivement inconscients. Il a bien entendu accepté notre proposition.

Au bout de quelques jours, nous voilà partis pour ce village perdu dans la montagne où nous nous sommes retrouvés seuls civils européens, à 18 ans, dans un village de montagne au milieu d’une population musulmane qui ne paraissait pas du tout hostile au fait que l’on puisse ré-ouvrir l’école et que leurs enfants aient la possibilité d’apprendre à lire et à écrire. Il y avait bien sur des militaires mais à quelques kilomètres de là et une S.A.S avec quelques militaires métropolitains mais aussi des ralliés musulmans.

Ecole de ZEMMOURAH en 1959

L’école était un bâtiment énorme et splendide en pierre de taille de taille, sur deux étages, avec une vue splendide sur la vallée qui s’étendait au-dessous. Les salles de classes étaient au rez-de chaussée et le premier étage étaient réservés aux appartements de fonction . Il y avait au moins sept ou huit classes. Mais quand nous y sommes arrivés, il n’y avait plus aucun matériel. Tout avait disparu. L’impression était terrible. Qu’allions-nous faire dans ces conditions ? Nous nous sommes adressés à la Mairie.

Je crois me rappeler que le Maire s’appelait Monsieur CHERROUK. Nous avons pu avoir un peu de   matériel : deux ou trois tableaux que nous avions posé contre le mur ; puis des nattes pour faire asseoir les éventuels élèves qui viendraient. Mais nous ne savions pas trop ce qui nous attendait. $

Nous n’allions pas être déçus !!!

BORDJ ZEMMOURA (برج زمورة), extrait d’un reportage sur Canal Algérie