Abbaye de RIEUNETTE (en cours d’élaboration)

Cette Abbaye se trouve dans l’Aude, à quelques kilomètres de Sain-Hilaire, commune dans laquelle j’ai passé une partie de mon enfance de ma naissance en 1941 à 1955 à peu près.

J’ai toujours eu un faible pour cet endroit que je trouve magique . Mes parents étaient boulangers dans ce petit village et mon père  faisait des tournées de pain dans le coin me laissant souvent à proximité de cette abbaye en ruines : une vieille dame gardait des moutons et je restais avec elle pendant que mon père vendait son pain dans les campanes voisines. Cette personne me racontait des histoires et le temps passait ainsi. De cette période il me reste un souvenir un peu flou mais merveilleux au milieu de cette nature sauvage et complètement désolée.

Nous sommes partis de Saint-Hilaire pendant de longues années et puis , ma mère est revenue s’y installer beaucoup plus tard après sa retraite d’enseignante. Elle avait acheté une petite maison et y passait des jours heureux.

Pour ma part, je n’étais pas revenu à Saint-Hilaire, mais ma mère étant revenue, je lui ai rendu visite souvent. J’ai eu envie de revoir cette abbaye et cet endroit magique car j’avais appris qu’elle avait été restaurée et que quelques religieuses y séjournaient.

En effet l’abbaye était debout, réinstaurée, splendide dans cet havre de paix. Nous avons pu la visiter grâce à ces religieuses merveilleuses de gentillesse. Un accueil chaleureux et plein de bonté.

Je suis revenu à plusieurs reprises. Une fois lors de ma venue, je crois qu’elles étaient en train de préparer Noël et elles avaient construit leur première crèche dans le coin droit en rentrant dans l’église. Je leur ai procuré quelques photos. Elles étaient je crois très heureuses.

Puis je me suis intéressé à l’histoire de cette abbaye : une histoire pleine de rebondissements.

Vous trouverez ci-dessous la copie d’un document que j’ai pu trouvé, mais je ne sais pas comment. Je pense que c’est ma mère qui a du trouver ce document.

 
  

PREMIERE PARTIE

NOTICE HISTORIQUE DE L’ABBAYE DE RIEUNETTE

  1. POSITION DES LIEUX
  2. ETYMOLOGIE DE RIEUNETTE
  3. CHAPELLE CHAMPETRE
  4. LES WISIGOTHS

L’A  BBAYE PRIMITIVE

  1. REGLEMENT DES RELIGIEUSES DE RIEUNETTE
  2. ACTES DES DONATIONS
  3. LES ALBIGEOIS
  4. CONFLIT ENTRE LA COMMUNAUTE DE VILLEFLOURE ET LE MONASTERE DE RIEUNETTE
  5. PHILIPPE IV, ROI DE FRANCE,CONCEDE LAVAUR ET VILLADEGUERT AU MONASTERE DE RIEUNETTE
  6. REFORME DE LA REGLE
  7. LES HUGUENOTS
  8. ABBES DE VILLELONGUE, PROCUREURS, TUTEURS ET ADMINISTRATEURS DE L’ABBAYE DE RIEUNETTE
  9. CONFLIT ENTRE LES ABBES DE VILLELONGUE ET CECILE DE NOE, ABBESSE DE RIEUNETTE
  10. ELISABETH DE LEVIS NOMMEE ABBESSE DE RIEUNETTE
  11. REQUETE D’ELISABETH DE LEVIS AU GRAND CONSEIL AUX FINS D’ETRE MAINTENUE DANS SON ETABLISSEMENT A LA CITE DE CARCASSONNE, MALFRE L’OPPOSITION DE L’EVEQUE DE CARCASSONNE
  12. LETTRES PATENTES DE LOUIS XIV PORTANT TRANSLATION DE L’ABBAYE DE RIEUNETTE DANS LA CITE DE CARCASSONNE
  13. MEURTRE D’ELISABETH DE LEVIS
  14. MARIE-MARTHE DE BRUYERES NOMMEE ABBESSE DE RIEUNETTE
  15. MAGEDELAINE-MARIE-MARTHE AUGET NOMMEE ABBESSE DE RIEUNETTE
  16. CATHERINE DE LOSTANGES DE BEDUERS NOMMEE ABBESSE DE RIEUNETTE
  17. LOUISE FRANCOISE DE MONTCALM (alias de ST VERAN) NOMMEE ABBESSE DE RIEUNETTE
  18. TRANSACTION PASSEE ENTRE LOUISE-FRANCOISE DE MONTCALM, ABBESSE DE RIEUNETTE, ET DE GARDOUCH,COMMANDEUR DE DOUZENS,POUR ETABLIR LE BORNAGE QUI SEPARE LA TERRE DE RIEUNETTE D’AVEC CELLE DE MOLIERES
  19. BAIL EMPHYTEOTIQUE PASSE ENTRE LES RELIGIEUSES DE L’ABBAYE DE RIEUNETTE A LA CITE DE CARCASSONNE ET HYACINTHE FAGES, LABOUREUR,DEMEURANT A LA METAIRIE DE ST-ANDRIEU, COMMUNE DE MOLIERES
  20. ORDONNACE DE ARMAND BAZIN DE BEZONS, EVEQUE DE CARCASSONNE,QUI UNIT LA MAISON DE RIEUNETTE A UNE MAISON DU MEME ORDRE DE ST-BERNARD, A LOMBEZ EN GASCOGNE, MOTIVEE SUR L’INSUFFISANCE DU PERSONNEL ET DES REVENUS DE LA MAISON DE CARCASSONNE
  21. ORDONNANCE DE ARMAND BAZIN DE BEZONS, EVEQUE DE CARCASSONNE,POUR LE TRANSFERT DES OSSEMENTS DES ABBESSES DE RIEUNETTE DANS LE CLOITRE DE L’EGLISE CATHEDRALE, ET DES OSSEMENTS DES DAMES RELIGIEUSES DANS LE CIMETIERE DE LA PAROISSE
  22. LA CORPORATION DES RELIGIEUSES BERNARDINES DE L’ABBAYDE DE RIEUNETTE, RESIDANT A LOMBEZ, EST SUPPRIMEE ET SES BIENS VENDUS PAR LA NATION
  23. TABLEAU CHRONOLOGIQUE DES ABBESSES DE RIEUNETTE

1 – POSITION DES LIEUX

L’antique abbaye de RIEUNETTE forme un grand triangle avec Carcassonne et Limoux. A sa droite est Carcassonne, et à sa gauche Limoux. Une distance d’environ 18 kilomètres la sépare de ces deux grands centres.

Les abbayes de Lagrasse, de St-Poycarpe et de St-Hilaire, de l’ordre de St-Benoît, qui remontent à une haute antiquité lui formaient une magnifique couronne, et ont laissé d’illustres et glorieux souvenirs.

Les générations actuelles de ces contrées ne peuvent pas ignorer les immenses et nombreux bienfaits dont elles sont redevables à ces humbles et austères fils du grand ordre bénédictin.

Ce furent en effet ces religieux qui surent attirer des hommes avec lesquels furent fondés les villarias, villages ou bourgs qui fourmillent dans les Corbières.

Ce furent enfin les Bénédictins qui tout en cultivant les sciences et les lettres répandirent dans ces lieux âpres,

sauvages et déserts des Corbières, les premiers principes de l’agriculture, tout en faisant fructifier dans les âmes de nos aïeux la divine semence qu’avaient jetée déjà les premiers apôtres des Gaules.

Villa de Aladerno seu Castrum Aladernum – la Villa de Ladern ou bien le Château fort de Ladern- ;

Villaflorana – Villefloure- ; Molera- Molières- la seigneurie des Chevaliers de Malte- ; Villar-en-Val ; Clarusmons- Clermont- ; Villa de Agrifolio- la Villa de Greffeil- sont autant de châteaux forts, d’anciens prieurés, villarias, villas ou villages qui entourent l’abbaye, presque à une égale distance, comme des postes avancés pour la protéger et la défendre.

Autrefois le sentier le plus facile, quoique étroit et sinueux pour arriver à Rieunette, partait de Ladern, côtoyant tantôt les méandres de la rive droite du Lauquet, tantôt les bords ombragés du ruisseau de la Berte qui se jette dans la rivière du Lauquet, près de l’ancienne Villa de Vauro – Lavaur.

Plus le voyageur s’avance à travers cette voie, et plus aussi l’horizon est resserré par les montagnes abruptes, aux cimes tantôt décharnées, tantôt tapissées d’une luxuriante verdure ou couronnées de chênes verts.

Le ruisseau de la Berte une fois franchi, on a devant soi un petit sentier tortueux qui se fraie un passage sur le versant des collines boisées, et après quelques instants apparaît, tout à coup, une immense forêt, à l’aspect tout à la fois imposant, sombre et lugubre, qui porte l’âme à la prière et à la méditation.

C’est aux pieds de cette forêt, dans cette gorge de montagnes que se trouvent quelques restes, quelques ruines de l’antique monastère de Rieunette.

De nombreux chaînons de montagnes décrivent un grand cercle autour de ce monastère, et sont pour lui de solides remparts pour l’abriter contre les bises et les rigueurs des frimas.

Çà et là des pics nombreux qui, comme autant de doigts de Dieu, semblent indiquer le ciel.

Rien ne trouble la solitude de cette gorge, de ce val, si ce n’est le chant des oiseaux au doux printemps, les cris des maraudeurs dangereux pour les basses-cours, comme les renards et les blaireaux, les gémissements des arbres de la forêt sous l’effort de la tempête, et le doux murmure d’un ruisseau qui arrose, rafraîchit et embellit cette contrée pittoresque.

Aujourd’hui une route de grande communication – chemin n°10 – se déroule comme un ruban de St Hilaire jusqu’à Lagrasse, et rend naturellement cette contrée moins solitaire.

2 –   ETYMOLOGIE DE RIEUNETTE

RIEUNETTE, du latin « RIVUSNITIDUS », signifie : ruisseau aux eaux pures, claires et limpides.. En effet, ce petit ruisseau est alimenté par différentes sources qui jaillissent des entrailles des hautes montagnes boisées. La pente de ce ruisseau est sensiblement inclinée, aussi des eaux coulent tantôt paisiblement à travers un lit de cailloux, tantôt tombent en cascatelle par suite des chaussées naturelles ou artificielles ce qui rend les eaux plus pures.

Des arbres de différentes essences, engendrés sur ses bords, lui servent de haie, et les branches de ces arbres mêlées à des plantes sarmenteuses, lui forment dans son parcours, d’intervalle en intervalle, de magnifiques arcs de triomphe, comme à un roi, comme à une divinité.

Le ruisseau de Rieunette qui prend sa source aux pieds de la forêt se jette, après un parcours d’environ une demi-lieue, dans la BERTE qui vient du village de MOLIERES.

A la belle saison, à travers les eaux de cristal du ruisseau de Rieunette, on distingue des bandes de barbeaux truités suivant un chef de file, qui tantôt se cache sous les pierres, tantôt sous les racines des arbres, et entraîne toute la bande avec lui ; ce chef de file, vous l’avez deviné, c’est la femelle.

Rien de plus récréatif que d’assister à certains exercices de gymnastique de la part des habitants de l’onde.

Les barbeaux qui quittent instinctivement la Berte pour entrer dans les eaux vives du ruisseau de Rieunette se trouvent en présence, de temps en temps, des cascatelles, et c’est alors qu’ils s’efforcent de franchir les obstacles qui s’opposent à leur ascension continuelle. Ils plient leurs corps comme un arc, et appuyés de leur queue sur un point quelconque, se replient et s’élancent ; quelquefois l’obstacle est franchi, quelquefois manquant d’adresse ou par caprice, ils retombent dans le bassin ou réservoir, et ce n’est qu’après des efforts réitérés qu’ils réussissent enfin à aller rejoindre d’autres compagnons, qui les ont précédés, dans un lit supérieur et plus uni.

Dans un acte authentique de donation fait à l’Abbaye, par ARNAUD SEGUIER et RIXOVENDE ou RISCLOVENDE, sa mère, le huit des Ides de novembre de l’année 1162, on lit ce qui suit : « Gratis damus Deo et ecclesiae beatae Marie de Rivo-nitido … » (nous donnons gratuitement à Dieu et à l’église de la bienheureuse Marie de Rieunette … ).(1)[1]

Donc RIEUNETTE vient incontestablement des deux mots latins « Rivus-nitidus », ruisseau aux eaux pures, et c’est ce même ruisseau qui a donné son nom à l’Abbaye.

3 CHAPELLE CHAMPETRE. –

Vers l’an 67 de l’ère chrétienne, nous voyons les disciples immédiats de l’apôtre Saint-PAUL, comme Saints PAUL, SERGE et APHRODISE, implanter la foi de JESUS CHRIST en Gaule Narbonnaise.

Des oratoires ou chapelles furent alors fondés où les premiers chrétiens se réunissaient pour assister aux sublimes mystères de la religion catholique et pour entendre la parole divine.

On rapporte que SAINT-HILAIRE, évêque de Carcassonne, au commencement du 6ème siècle, pour se reposer des labeurs pénibles de son épiscopat, quittait de temps en temps sa vieille cité, et se rendait dans un lieu solitaire qui porte aujourd’hui son nom, où il avait fait construire un oratoire.

Là, dans cet oratoire solitaire, situé sur une légère éminence, ce saint évêque, ce vaillant champion de la foi, loin du bruit du monde, retrempait son zèle, sa charité dans la ^prière, le jeûne et la mortification, afin de combattre la secte arienne.

De cette chapelle, il avait fait sans doute un lieu de prédilection puisque après la mort de ce grand évêque, son corps y fut enseveli.

A l’instar de ces oratoires, et la foi se propageant de plus en plus par l’exemple et les vertus de nos immortels apôtres de la Gaule, on vit apparaître, soit sur des points culminants, soit sur des légères éminences, de simples édifices religieux, et chose digne de remarque, presque tous ces édifices étaient consacrés à Saint Jean-Baptiste, à Saint Etienne, à Saint Pierre, à Saint Jean et à Notre-Dame.

Ainsi à LADERN, il existait autrefois des oratoires dédiés à Saint JEAN- près d’ESCOUBILLOU, à Notre Dame de ROCCARDEL – entre ROQUES ARGENTIERES et le Moulin de LADERN ; à Saint Pierre – près de la Métairie de La TUILERIE.

A VILLEFLOURE, il y avait aussi des oratoires dédiés à Saint Etienne – près de la Métairie de SOUBRIE ; à Saint Vincent – près de la métairie del SABATIE.

Enfin, dans la commune de MOLIERES, sur les bords du ruisseau de Rieunette, il existait, sur le lieu même où a été édifiée l’abbaye, au 6ème siècle, une chapelle champêtre consacrée à Notre Dame de Rieunette.

Cette chapelle de Notre Dame de Rieunette remonterait-elle à une époque plus reculée ? On l’ignore. S’il faut en croire certains auteurs judicieux et compétents en cette matière, presque tous les sanctuaires consacrés à la Vierge, mère de Dieu, remonteraient généralement aux premiers siècles du Christianisme.

Sous les Gaulois, les sombres forêts, les crêtes des collines ou des montagnes, les vallées profondes jusqu’aux rives des rivières ou des fleuves, étaient choisies pour sacrifier à leurs cruelles et impitoyables divinités ; les Romains aussi avaient leurs temples et leurs divinités ; ainsi le VAL de DAGNE tire son nom de « Vallis Dianae » – le Val de Diane – ; MONTJOIE de « Mons Jovis » – le mont de Jupiter.

Quoi de surprenant, que les premiers évangélisateurs de ces contrées aient détruit les dolmens et les cromlechs, les menhirs ou peulvens des Gaulois, et renversé les cippes et les temples des Romains pour y fonder sur leur emplacement des sanctuaires en l’honneur de Marie ou des saints martyrs, comme pour effacer à jamais le souvenir du paganisme.

Hélas ! ils ne sont plus debout, de nos jours, ces vénérés sanctuaires, ces glorieux monuments érigés par la foi généreuse de nos aïeux ; ils ont été renversés la plupart par les ennemis du bien et du beau.

De nombreux ossements humains, mêlés à des pièces de monnaie, remontant jusqu’à l’époque gallo-romaine, reposent près des fondements de ces asiles de prière, et attestent d’une manière irréfragable et de leur indicible amour pour la religion et de leur profonde espérance en Dieu.

Une émotion indicible, s’empare toujours de notre âme, lorsque nous contemplons en silence ces glorieux débris, et nous baisons amoureusement ces parcelles comme une relique sacrée, car elles sont, à nos yeux, les plus nobles pierres qu’on puisse voir sous le soleil.

4 . – LES WISIGOTHS :

Les Wisigoths, descendus des glaces du Nord, vinrent s’établir, vers l’an 410, en Gaule Narbonnaise et l’occupèrent jusqu’en 724.

Les principaux centres, choisis par eux, pour y résider et y établir leur domination, furent : TOULOUSE, CARCASSONNE et NARBONNE.

Ce fut en 440, sous le règne de THEODORIC, leur roi, que les WISIGOTHS fortifièrent la Cité de CARCASSONNE, et bâtirent ces tours qui existent encore, et que l’on regarde comme un monument précieux de fortification ancienne.

L’histoire nous dit aussi que sous le règne  d’ALARIC II, leur roi, les Wisigoths construisirent un château fort, sur une haute montagne, non loin de MONTLAUR, laquelle porte encore le nom d’ALARIC.

D’après le plan de l’entier territoire de Rieunette dressé en 1670, les environs de La VERRERIE ou de La VERRIERE, ancien fief ayant appartenu à l’abbaye de Rieunette, seraient désignés par le nom de «  CLOT-DAS-BAZIGOTHS », c’est-à-dire lieu encaissé Wisigoths.

Sous CONSTANTIN 1er, dit le GRAND, empereur de 306 à 337, les Wisigoths pratiquaient l’arianisme, doctrine impie, puisqu’elle niait la divinité de Jésus-Christ ; pour eux Jésus-Christ était une simple créature.

L’Arianisme, favorisé par les Wisigoths, enfanta dans nos contrées, de bien tristes et malheureux effets ; les évêques métropolitains de Narbonne, les prêtres et les catholiques eurent à souffrir de cruelles persécutions, le siège métropolitain de NARBONNE resta vacant pendant de longues années.

Rien de plus affreux que la peinture des ravages causés par ces barbares. Ils n’épargnaient ni le sacré, ni le profane, ni la faiblesse de l’âge, ni celle du sexe. C’était, dit un auteur de cette époque, comme une tempête qui emportait indifféremment les bons et les mauvais, les innocents et les coupables.

L’oratoire de Rieunette, consacré à Notre-Dame, d’après la tradition, aurait été détruit, de fond en comble, par les Wisigoths, vers le 6ème siècle.

Puisque ce pieux asile de la prière sut attirer et enflammer la haine et la rage de ces barbares, il devait nécessairement être remarquable sous quelque point de vue. La richesse de cet édifice religieux ou bien l’affluence des catholiques qui s’y donnaient rendez-vous, pour honorer et invoquer la mère de Dieu, ont été les seuls motifs de sa destruction.

5 . -. L’ABBAYE PRIMITIVE :

Afin de perpétuer le souvenir d’un lieu saint et sacré, sur les ruines même de l’antique sanctuaire, renversé par les Wisigoths, fut édifié une abbaye, sous le nom déjà connu de « Notre Dame de Rieunette ».

Au cœur de ces montagnes le plus âpres et les plus difficiles de cette portion des Corbières, où s’étendaient les diocèses de Carcassonne et de Narbonne, qui donc a pu jeter les premiers fondements de cette abbaye ? Le fondateur de ce monastère nous est tout à fait inconnu ainsi que l’époque de sa fondation.

Cependant, on peut assurer que cette abbaye existait vers le commencement du 12ème siècle, d’après un acte de donation, en 1162, faite en faveur de l’abbaye.

Cette donation la plus ancienne que l’on connaisse établit formellement la préexistence du monastère et de l’église de Rieunette.

Les religieuses qui occupèrent la nouvelle abbaye furent des filles de l’ordre de CITEAUX, de la filiation du MORIMOND, situé en CHAMPAGNE ( BASSIGNY), diocèse de LANGRES.

Il est bien regrettable qu’il n’existe point de documents historiques et que la tradition soit muette sur l’étendue, la forme de l’abbaye primitive, ses murs de clôture, les bâtiments intérieurs, la beauté et la richesse de l’église.

Nous pourrions avoir cependant une idée de ce qu’était le monastère primitif.

En effet, si nous jetons les yeux sur l’acte de donation de l’année 1162, nous y lisons ce qui suit : « Gratis damus Deo et eclesiae de Rivo-nititdo » ; ( nous donnons gratuitement à Dieu et à l’église de Rieunette…..). Or au Moyen-Age, on appelait certains établissements « Ecclesia ».Une « ecclesia » complète était un monastère muni de remparts comme moyens de défense, tel qu’on en trouve de nos jours dans la JUDEE. De hautes murailles avec des meurtrières seraient de clôture aux bâtiments intérieurs. Au milieu, se dressait le temple chrétien, l’édifice consacré au culte, et qui était comme une citadelle dans une forteresse. Autour du mur de clôture, se groupaient les cabanes des vassaux, lesquels, en cas d’attaque, se réfugiaient dans le monastère.

Nous savons aussi que la plupart des établissements religieux au 12ème siècle, lorsqu’ils étaient situés en pleine campagne, avaient une enceinte fortifiée, des postes avancés, des corps de garde, des portes crénelées, devant lesquelles venait souvent se briser l’effort de l’ennemi.

Il fallait nécessairement que l’abbaye primitive de Rieunette fut une « ecclesia » complète. Que seraient devenues, en effet, ces jeunes, faibles et timides vierges dans ces lieux solitaires et sauvages, couverts de sombres et épaisses forêts, si des remparts n’eussent existé pour abriter et protéger la faiblesse du sexe, et si les dépendances du monastère n’eussent été occupées par des gardes, des fermiers ou des métayers ?

6 – REGLEMENT DES RELIGIEUSES DE RIEUNETTE :

Voici comment la journée s’écoule au monastère, d’après la règle de Cîteaux, troisième réforme de la règle de St Benoît (1098), qui, au 12ème siècle, est, à vrai dire, le code monastique en Occident.

A deux heures du matin, la cloche sonne le lever pour matines. Aussitôt les religieuses, qui sont couchées toutes vêtues sur une paillasse, avec une couverture de lai e et un chevet, se lèvent à la hâte, descendent à l’église et, se rangeant autour du petit autel consacré à la Vierge, dans le fond de l’abside, chantent matines. Ensuite elles remontent au dortoir ; chacune étudie les psaumes, médite ou lit dans sa cellule. C’est dans la cellule qu’est le mobilier de chaque religieuse : il comprend, en plus de l’habit, de la cellule et du scapulaire, les sandales, quelques mouchoirs, une aiguille, des tablettes de cire et un style.

Au lever du soleil, la cloche sonne de nouveau. Cette fois la journée commence. Les religieuses se lavent les mains et vont chanter l’office de Prime, revêtues d’une robe blanche, d’un cordon noir, d’un scapulaire et d’un voile. Les sœurs converses portaient un costume brun.

A l’issue de l’office, les religieuses s ‘assemblent dans a salle capitulaire pour écouter la lecture du martyrologe et la récitation d’une homélie. C’est là aussi que l’abbesse dispense les peines disciplinaires aux religieuses coupables. Si les religieuses commettent des scandales, soit en voulant posséder quelque chose, soit en battant l’un de leurs compagnes, non seulement l’abbesse peut leur imposer des pénitences, les chasser, mais encore elle peut les renfermer dans la prison du monastère. Au-dessous d’elle, l’abbesse a la prieure, qu’elle choisit elle-même, et, au-dessous d’elle, la prieure a les doyennes qui dirigent dix religieuses.

A la sortie de la salle capitulaire, les religieuses se rendent au travail manuel : elles travaillent de 6 heures à 9 heures.

A tierce (9 heures), elles viennent à l’église entendre la messe de communauté, et après la messe elles se rendent au travail intellectuel.

A sexte (midi), elles reviennent à l’église ; puis de l’église elles vont au réfectoire en chantant le Miserere. Du 13 septembre au Carême, on ne mange qu’une fois par jour ; en Carême, on ne mange aussi qu’une fois, au coucher du soleil ; et comme l’on ne mange qu’une fois les jours de Quatre-Temps et la Vigile de toutes les grandes fêtes, ainsi que tous les mercredis et tous les vendredis, il s’ensuit qu’un ne mange pas souvent deux fois.

L’abbesse dit le Benedicite. Chaque jour, chaque religieuse a deux portions cuites en maigre, une par repas quand il y a deux repas, toutes les deux au même repas quand il n’y a qu’un repas, avec de la salade ou des fruits crus, s’il y en a, une livre de pain et une hémine de vin (27 centilitres).

Après le repas, les religieuses vont à l’église, de l’église au dortoir et s’étendent sur leur lit. La sieste faite, elles vont chanter none (3 heures) ; le psautier doit être psalmodié tout entier pendant la semaine. De là elles passent au travail manuel jusqu’aux vêpres. Après les vêpres, elles prennent quelque nourriture au réfectoire, s’il n’y a pas de jeûne, et du réfectoire elles passent à la salle capitulaire pour entendre le commentaire d’un texte sacré fait par la chanteuse, sous la présidence de l’abbesse. Enfin, elles récitent les complies et montent au dortoir. Chacune se couche, le bruit s’éteint avec la dernière prière. La prieure seule veille encore ; elle parcourt le dortoir à pas silencieux, jetant un regard de cellule en cellule pour voir si les religieuses dorment ou bien si, l’imagination hantée pendant le sommeil, elles ne sont pas en proie à quelque illusion diabolique.

Puis la mort venue, une oraison funèbre, prononcée au Chapitre d’ordinaire, quelquefois sur la tombe elle-même, raconte, sans éclat comme sans apprêt, les humbles vertus de celle dont on vient de célébrer les funérailles. Qu’en présence du pompeux catafalque élevé à la naissance eu au génie, l’orateur étale les richesses du développement et la beauté du langage ; que devant des généraux d’armée, il pénètre les secrets de la stratégie et qu’il retrace de savants plans de bataille ; que devant  des hommes d’état, il descende aux plus subtils ressorts de la politique ; qu’inspiré par l’auguste majesté d’un grand roi, il appelle à son secours la magnificence du rythme oratoire pour dire le néant de l’homme et son immortalité ; ce sont là des spectacles ravissants où l’intelligence, l’imagination, le cœur contemplent et à loisir les plus belles gloires de la terre rehaussées par toutes les splendeurs de la religion. Mais dans le cloître, il n’y a place devant la mort que pour les regrets attendris d’une sainte amitié. Les portraits historiques, les  hommages grandioses, les périodes fastueuses seraient aussi déplacés pour louer ces religieuses que les devises, les fleurs, les lampes d’or et toutes les vaines figures qu’une main frivole viendrait suspendre aux murailles nues du monastère. Qu’importent les grandeurs de la terre aux citoyens du ciel ? L’église, la cellule, le travail manuel, la récréation, le réfectoire, tels sont les champs de bataille ignorés do monde où, jour après jour, le vieil homme lutte contre le nouveau, au sein de la méditation et de la prière. Et c’est au milieu de cette lutte, sous la haire sacrée et le cilice rigoureux des saintes épreuves, que celle que l’on pleure a rendu son âme à DIEU. La tendresse se plaint sans doute, mais la foi s’exalte dans une pieuse joie ; on regrette des amies et déjà l’on invoque des protectrices ; tout est senti : c’est un heureux mélange de sourires et de larmes, expression vraie d’une émotion naturelle.

Les voilà donc, ces monastères du 12ème siècle. Ils sont fondés par des prêcheurs ; ils sont peuplés par des vierges sans tâche et par des femmes naguère encore livrées au plaisir, par des barons rapaces et par des pauvres laboureurs, par des grands et par des petits, devenus tous égaux sous le joug de l’implacable Règle.

Les verra-t-on un jour refleurir sur la terre de France ?

7 – ACTES DE DONATION :

Si les fondateurs du monastère de Rieunette nous sont tout à fait inconnus, il n’en est pas de même pour ses bienfaiteurs.

Sous le règne de Louis VII, dit le Jeune et le Pieux, RAINE ( Régine), gérante du Monastère de Rieunette, reçut d’un seigneur du pays, nommé ARNAUD SEGUIER, de RIXOVENDE ou RISCLOVENDE, sa mère, et de Pierre SEGUIER, son neveu, une donation, sous certaines redevances et à titre d’alleu.

On ignore le nom de famille de Raine, et le monastère d’où elle était sortie. Tout ce que l’on sait sur Raine, c’est qu’étant mariée avec Bernard de CASTELLION, elle donna conjointement avec son mari, en 1155, la seigneurie de CAMPAGNE (canton de QUILLAN) à Arnaud, abbé du dit lieu et plus tard de VILLELONGUE.

Devenue veuve de Bernard de CASTELLION, Raine quitte le monde pour se faire religieuse, en l’année 1162, …………..de TRESMALS, évêque de CARCASSONNE, on la trou…………..du monastère de Rieunette.

L’acte de donation fait en faveur de Raine,……………..Arnaud SEGUIER, comme portant l’em………… pure et de la piété la plus tendre à l’égard de DIEU, de la Sainte-VIERGE et de tous les défunts, métrite, à tous égards, d’être ici cité.

Voici le texte de cet acte en latin en français :

«  Omnibus hominibus tam presentibus quam futuris sit manifestum quod ego Arnaldus Seguerius et Rixovendis, mater mea, et nos Seguerius Petrus, omnes in unum, pro amore. Dei omnipotentis, Patrisnet Filu et Spiritus Sti, nostrorum que remissione peccatorum, gratis damus Deo et ecclesiae B.Mariae de Rivo-nitido, et tibi humili Rainae proesidenti negotiis domus istius ecclesix, et tibi Bernardo de Alairaco sacerdoti, ejusdem loci, tuo confratri, omnibus que sanctimonialibus, tam proesentibus quam futuris, sub ordinatione hujus loci Deo servientibus ; damus quidem vobis licentiam construendi et oedificandi atque in perpetum tenendi, tot oedificia quod volueritis in omni honore quem habemus et tenere debemus in terminio B.Marioe de Rivo-nitido, mansos, domos, cortales, palearia, areas, hortos, viridaria, exitus atque reditus…..in illo honore nostro. Damus item vobis omnes decimas totuis bestiarii vestri, scilicet omnium caprarum, boum, vaccarum, ovium, porcorum, agnorum et volucrum et etiam totius nutrimenti domorum vestrarum. Damus quoque licentiam vobis plantandi vineam in riparia versus altanum usque in podium, quam teneatis per allodium, unde ne que decimam dabitis. Damus item vobis per allodium malolium quem ibi juxta caunam plantastis, et unam mediatam terrae ad fromentum ubi cumque volueritis in illo terminio, unde etiam non dabitis decimam. Item donumus vobis…totium alium honorem qui est in toto terminio de Rivo-nitido, ad habendum et labrandum ita tamen ut de fructibus illius honoris, nobis, in area nostra, undecimam in grano, et medfiatem decimae donetis,……………………et recognoscimus quod acapito illius honoris dedistis nobis viginti solidos melgorienses…..Actium est hoc VIII id. novembris, anno incarnationis D.MC.L.X.II regnate Ludovico rege.S.Arnaldi Seguerii ; Rixovendis matris suae ; Petri Seguerii nepôtis ; Petri monarchi et capellani ; Berengarii de  Torosella ; Guillelmi de Malraso. Bernardus[2] seripsit jussione Arnaldi Segeuerii…… » (1)

Nous, Arnaud SEGUIER et Rixovende, notre mère, et Pierre SEGUIER, neveu, à l’unanimité, faisons connaître aux personnes présentes et futures que, pour l’amour de Dieu tout-puissant, du Père, et du Fils et du St-Esprit, et pour la rémission de nos péchés, nous donnons gratuitement à Dieu et à l’église de la B.Marie de Rieunette, et à l’humble Raine, gérante de la maison de cette église, et à Bernard de Alairac, prêtre du même lieu, confrère ainsi qu’à toutes les religieuses présentes et futures servant Dieu selon la règle de ce lieu… ; nous donnons à vous tous, disons nous, le pouvoir de construire et d’édifier et de garder à jamais, autant de bâtiments que vous voudrez que nous avons et que nous donnons garder dans le terroir de la B.Marie de Rieunette, comme habitations, maisons, bergeries, greniers à paille, aires à  battre le blé, jardins, vergers, issues pour sortir et rentrer….dans notre honneur…..Nous vous donnons aussi toutes les dîmes de tous vos animaux, comme chèvres, brebis, bœufs, vaches, porcs, agneaux, animaux ailés et même tout ce qui est nécessaire pour alimenter vos maisons…. Nous vous donnons aussi le pouvoir de planter une vigne sur la rive du côté d’autan jusqu’au pech que vous possédez à titre d’alleu, avec dispense de dîme….. Nous vous donnons aussi à titre d’alleu le mailleul que vous avez planté près de la combe, et la moitié de la terre pour faire du blé là où vous voudrez dans le dit terroir, avec dispense de dîme…. Nous vous donnons aussi….tout l’autre honneur qui est dans le terroir de Rieunette, pour en jouir et le cultiver, en nous laissant toutefois des fruits de cet honneur, sur notre aire, le onzième des grains et la moitié de la dîme,…… et nous reconnaissons que pour la possession de cet honneur vous nous avez donné vingt sols melgoriens. Fait le VIII des ides de novembre, l’an de l’Incarnation du seigneur MCLXII, sous le règne de Louis VII, en présence des donateurs et témoins suivants qui ont signé : Arnaud SEGUIER ; Rixovende sa mère ; Pierre SEGUIER, neveu ; Pierre, religieux et chapelain ; Berenger de TOUROUZELLE ; Guillaume de MALRAS. Bernard a écrit cet acte sur l’ordre de Arnaud SEGUIER….. »

En 1165, Arnaud de TOUROUZELLE et Sigarius, son neveu, donnent à Raine, prieure de l’église de B.Marie de Rieunette, et à ses religieuses, tout ce qu’ils possèdent au terroir de Rieunette (2).

A Raine succède GUILLELME ou GUILLEMETTE, et celle-ci reçoit de nouvelles donations.

En 1172, ROGERII, proconsul, de BEZIERS, donne à GUILLELME, abbesse, tous ses droits et honneurs qu’il possédait à RIEUNETTE (1).

En 1174, BERNARD DE VILLADEGEURT, son épouse et ses enfants, donnent à GUILLELME, abbesse de RIEUNETTE, une portion de leur honneur d’USEIRA ‘ USEIRA a les mêmes confrontations que VILLADEGUERT), avec leur fille PAGANE pour religieuse (2).

En 1183, OTHAN, évêque de CARCASSONNE, donne à GUILLELME, abbesse de Rieunette, l église du même nom, avec ses prémices et décimes, à la charge d’une livre de cire pour le synode, payable annuellement au sacristain de l’église de ST.NAZAIRE (cité) (3).

En 1183, JORDAIN DE CABVARET et Pierre ROGER, frères, donnent à GUILLELME, abbesse du Monastère de la B.Marie de RIEUNETTE  , l’entier honneur qu’ils possédaient dans le terroir de dit RIEUNETTE , moyennant le prix de dix sols melgoriens, avec le consentement d’OTHON, évêque de CARCASSONNE , duquel ils tenaient le susdit honneur (4).

En 1183, CLAUDE ANDREAS, évêque d’ALBY, pour la prise d’habits de ses sœurs CATHERINE et MARTYHE, donne tous ses droits, terres et revenus au lieu de CARSAC, près de CARCASSONNE , sous la redevance annuelle d’un cordon de chapeau (5).

En 1195, ERMENGAUD, BEERNARD RAMUNDI et BERENGER, fils de feu Pierre de CROSO, donnent à GUILLELME , abbesse et au couvent de la B.Marie de RIEUNETTE , leur sœur SICARNA, avec un jardin qu’ils possèdent en franc alleu, dans le territoire du village de COURSAN ; la dite donation acceptée par les religieuses de RIEUNETTE , à titre de vente, pour le prix de 200 sols melgoriens, ensemble la sœur des susdits pour religieuse (1).

En 1196, Berenger de QUERPAGEZ et Géralde, son épouse, donnent à GUILLELME , abbesse de RIEUNETTE , l’honneur qu’ils possédaient à RIEUNETTE (2).

En 1196 ( ?), Jeanne de VALOMBRE, abbesse de RIEUNETTE , reçoit confirmation de la donation précédente de Bernard GUILLAUME et Raymond TORT ( ?) Frères, précédemment mineurs (3).

Par suite de la munificence des seigneurs, des évêques et des vicomtes, l’abbaye de RIEUNETTE, vers la fin du XIIème siècle, devint de plus en plus florissante.

Voilà donc comment se forma le trésor des religieuses de l’abbaye de RIEUNETTE ; voilà quels furent leurs titres de propriété. Aucun individu, aucune famille, aucun état n’en a jamais possédé de plus glorieux, ni de plus légitimes.

8 – LES ALBIGEOIS :

De même que l’humble violette, cachée au sein des bois, exhale autour d’elle un suave parfum, de même aussi l’abbaye de RIEUNETTE, depuis l’époque de ses vertus et jouissait d’une paix profonde, lorsque cette paix fut troublée tout à coup par les ALBIGEOIS.

Sous le nom général d’ALBIGEOIS, on désignait au XIIème siècle, tous les sectaires répandus surtout dans les provinces méridionales de la FRANCE, qui s’accordaient à mépriser l’autorité de l’église, à combattre l’usage des sacrements, à renverser enfin toute l’ancienne discipline. Tels étaient les ARIENS qui niaient la divinité de J.C ; les MANICHEENS qui admettaient deux principes, l’un bon, l’autre mauvais ; les VAUDOIS ou pauvres de LYON, nommés ainsi de Pierre de VAUX, bourgeois de LYON, qui dévastaient les églises et les monastères. Ces hérétiques se faisaient effrontément nommer les « BONS HOMMES » ; ils soutenaient que le baptême n’était pas nécessaire aux enfants ; que les personnes mariées qui usaient de leurs droits, ne pouvaient pas être sauvées, et ils se permettaient sur la Ste TRINITE, sur la Ste VIERGE, sur les personnages les plus vénérés de l’ANCIEN TESTAMENT, les plus horribles, les plus épouvantables, les plus exécrables blasphèmes, que l’enfer ait jamais pu vomir dans toute sa rage.

« Ces hérétiques, dit BOSSUET, et leurs sectateurs, confessèrent, avec beaucoup de peine, qu’ils niaient la chair humaine en J.C ; qu’ils ne croyaient pas que la rémission des péchés fut donnée dans le baptême, ni que le pain et le vin pussent être changés au corps et au sang de J.C. On découvrit qu’ils avaient une eucharistie qu’ils appelaient la viande céleste. Elle était cruelle et abominable ».

Enfin, après d’autres détails inutiles à rapporter ici, BOSSUET ajoute : « Ce sont là des prodiges, je l’avoue, et on n’aurait jamais cru que les hommes en pussent être si étrangement entêtés, si on ne l’avait connu par expérience ; DIEU voulant donner à l’esprit humain des exemples de l’aveuglement où il peut tomber quand il est laissé à lui-même ».

Cet ensemble de doctrines perverses et impies se répandit rapidement dans ALBY, TOULOUSE, NARBONNE.

CARCASSONNE, LIMOUX, CASTELNAUDARY, MONTREAL, FANJEAUX ouvrirent les portes à l’hérésie albigeoise et fondèrent même des Temples (1).

En 1146, l’apostat HENRI, beau parleur, s’était fait de nombreux disciples dans les environs de TOULOUSE. Le papa EUGENE III envoya dans cette contrée le légat ALBERIC, qui prit avec lui GEOFFROY, évêque de CHARTRES, et le grand abbé de CLAIRVAUX.

BERNARD fut reçu dans le LANGUEDOC avec une joie immense. Les miracles allaient de multipliant sous ses pas, et les foules désabusées par ses paroles, s’empressaient de quitter l’erreur.

ALBY était, de toutes, la ville la plus infectée de l’hérésie . Quand le légat s’y rendit, le peuple le reçut par dérision, et quelques personnes à peine assistèrent à la messe. Deux jours après, arriva BERNARD, le peuple qui avait entendu parler de sa sainteté, se porta avec joie devant lui ; et le lendemain, l’église était petite à l’heure du sermon.

Le Saint abbé leur exposa d’une part les erreurs des hérétiques et de l’autre la vérité enseignée par l’église, et termina en demandant ce qu’ils choisissaient : tous repoussèrent avec horreur l’hérésie. »Revenez à l’Eglise, reprit BERNARD, et pour que nous reconnaissions ceux qui se repentent, qu’ils lèvent la main au ciel ». Tous levèrent la main droite. Ainsi finit le sermon : GEOFFROY regardait ce fait comme le plus grand miracle su Saint, tant il était difficile de convertir un manichéen.

En 1167, NIQUINTA, le pape des ALBIGEOIS, convoqua dans le  LAURAGAIS, les représentants de toutes les églises hérétiques. CARCASSONNE  envoya le sien, et NIQUINTA lui donna pour évêque Gérard MERCIER, auquel il assigna comme circonscription tout l’archevêché de NARBONNE.

Les légats se présentèrent t furent peu écoutés ; les Carcassonnais en furent punis par le ciel, d’après le récit de Pierre de VAULX CERNAY, car, s’étant mis peu de jours après à faire la moisson, ils s’aperçurent que les épis versaient du sang.

En présence de l’erreur, l’évêque de CARCASSONNE se leva pour la combattre comme gardien fidèle de la foi, mais les sectaires devenant de plus en plus puissants et audacieux, forcèrent ce vaillant apôtre à déserter, non seulement l’antique basilique des Saints NAZAIRE et CELSE, mais encore la vieille cité carcassonnaise.

Le venin à la bouche, le fer d’une main et la torche incendiaire de l’autre, la secte albigeoise jetait partout l’épouvante, la terreur et la désolation dans la famille, dans la société et dans l’Eglise.

Nos contrées, à cette époque, furent le théâtre d’épouvantables désastres et d’irréparables malheurs.

Que de sang fut versé alors soit par les ALBIGEOIS, soit par les CATHOLIQUES !

Que de pillages ! Que de ruines ! Que de cendres !

Il est relaté dans la « GALLIA CHRISTIANA » que l’abbaye de RIEUNETTE  fut saccagée par les ALBIGEOIS (1).

Simon de MONTFORT, le trop rude chrétien de la croisade contre les ALIBIGEOIS, après avoir conquis l’héritage des anciens comtes de CARCASSONNE  ordonna de relever l’abbaye de RIEUNETTE  et de lui rendre son ancienne prospérité.

De nouvelles libéralités furent faites à RIEUNETTE  comme pour indemniser les religieuses du pillage des ALIBIGEOIS.

En 1202, BERNARD et Ponce de VILLENEUVE font une certaine donation à GUILLELME  II, abbesse de RIEUNETTE (2).

En 1207, Ponce GUILLAUME de DOUZENS délaisse, en faveur de GUILLELME  II, tous ses droits sur DONNOVE (commune de MONTLAUR) (3).

En 1237, Raimond de ST MARTIN donne à LOMBARDE, abbesse de RIEUNETTE, ses terres et ses droits au lieu de COMINAL et VALDEROS (4).

En 1265, Gérard de CAPENDU, seigneur de SALVAZA, donne à RAIMONDE II, abbesse de RIEUNETTE, trente sétérées ( ?) de terre au dit lieu.

En 1275, Rica de TAURISAN et Gaillard son mari, donnent à GENSERIE, abbesse de RIEUNETTE, tout ce qu’ils possèdent à VILLEDAIGNE.

9 – CONFLIT ENTRE LA COMMUNAUTE DE VILLEFLOURE ET LE MONASTERE DE RIEUNETTE :

Les habitants de VILLEFLOURE prétendaient avoir le droit de pâturage et de chauffage dans le bois de RIEUNETTE.

D’un autre côté, les religieuses de RIEUNETTE niaient que la communauté de VILLEFLOURE  eût un droit de pâturage et de chauffage sur les terres dépendantes de l’abbaye de RIEUNETTE.

La communauté de VILLEFLOURE  intenta alors un procès à Marie de SERRELONGUE, abbesse de RIEUNETTE, réclamant le droit de pâturage et de chauffage dans le bois de RIEUNETTE.

Bernard de CAPENDU, évêque de CARCASSONNE, qui fut juge dans ce cas, déclara qu’il ne pouvait pour le moment s’occuper de cette affaire, parce que des motifs pressants l’occupaient ailleurs.

Cette déclaration de l’évêque de CARCASSONNE est de l’année 1270.

On ignore les suites de ce procès, faute de documents.

10 – PHILIPPE IV, ROI DE France, CONCEDE LAVAUR ET VILLADEGUERT AU MONASTERE DE RIEUNETTE :

Il existe un acte notarié, dans lequel il est dit que Philippe IV, roi de France, concède à Mathilde II, abbesse de RIEUNETTE, les biens et les droits de VILLADEGUERT et de LAVAUR ; cet acte porte la date de 1292.

Nous le citons textuellement : il nous paraît curieux par la forme et l’orthographe, et surtout sous le rapport des termes du droit féodal.

Voici le texte de cette concession :

« Philippe IV par la grâce de DIEU Roy des Français que tous présents et avenir sachent par nos lettres bas écrites scellées du sceau de Simond BRISETESTE, sénéchal de CARCASSONNE , et signées de maître TERROIN INOSCHET, notaire public de notre Cour de CARCASSONNE , il est porté par ces paroles, que tous sachent que nous, Simond BRISETESTE, chevalier du Seigneur Roy de France , sénéchal de CARCASSONNE  et BEZIERS et par lettres du Seigneur notre Roy que nous avons reçues, il est contenu Philippe IV par la grâce de DIEU, Roy des Français à notre sénéchal de CARCASSONNE salut. Nous voulons que lesbiens et droits que nous avons et tenons dans les termes de VILLADEGUERT et de LAVAUR soient vendus à notre nom et cédés à l’abbesse et couvent du monastère de RIEUNETTE  sous la censive de dix livres payables tous les ans et pour deux cens livres d’achat si vous trouves que ce soit notre avantage donné à PARIS au château du bien heureux LAURAU, après avoir considéré, comté, supputé et trouvé qu’il était plus utile au Seigneur Roy de bailler ce bien dont ait parlé que de le tenir en sa main et nous ayant été offert par la dame abbesse du monastère de religieuses de RIEUNETTE  du diocèse de CARCASSONNE  des susdits termes, bois et devèses y contenues ainsy que le tout est confronté s’y après et de tous les biens et droits que le Seigneur Roy y possède ou peut posséder deux cens livres tournois d’achat et dix livres tournois de censives payables tous les ans au dit seigneur Roy, et aaynt fait faire les publications lesquelles ayant été publiquement faites durement et en temps convenable et personne ne s’étant présenté pour en offrir davantage nous dit sénéchal de l’autorité du dit seigneur Roy et après avoir eu délibération et présent Pierre de PROINNO, viguier de CARCASSONNE  et de son Conseil dans laquelle viguerie les dits termes biens et droits sont situés et après avoir fait faire plusieurs proclamations des dits biens en temps légitime ; présents Monsieur Pierre SALIMON, juge mage ; Guillaume BONMANCIP, avocat du Roy et autres jurés du Seigneur Roy, nous avons vendu et concédé, assignons et transportons sive donnons à perpétuité en achat au nom du dit seigneur Roy et pour lui avons Dame Mathilde, abbesse du dit monastère et à votre susdit monastère et couvent tous les biens et droits que le dit Seigneur Roy tient et possède ou à coutume de jouir et lui appartenir à quelque titre que ce soit dans les termes de VILLADEGUERT et de LAVAUR avec leurs droits, appartenances et dépendances, lesquels termes confrontent ainsy qu’il va être expliqué sy après savoir : les terres termes qui n’ont pas été travaillées et possessions le quart, le quint, le septième, les agriers, les tasques et tout ce qui est joint à la dite terre les cens, les usages, les albergues qu’on paye ou qu’on doit payer au Seigneur Roy pour les biens et droits situés dans les dits termes des foriscapes, lods, baux forestages, tous les bois paissieux, hermitages, rivières et pesche des dits termes et tous autres droits exprimés et non exprimés…excepté et réservé au seigneur Roy toute justice haute et basse, appartyiendra cependant comme il a été dit au dit monastère las baux et forestages, les amendes des forestages tant des hommes que des bêtes et bestail de quelque genre que ce soit, les pignores, les batemens qui seront commis dans les dits termes par une poursuite continue ; ainsy nous voulons et concédons que les baux et amendes des forestages appartiennent au dit monastère et que les gardes et forestiers du dit monastère puissent ignorer dans les dits termes pour les baux et amendes des forestages auquel pacte nous vous vendons les biens et droits et à votre monastère pourveu que vous et votre monastère donniez tous les ans au seigneur Roy et aux siens à perpétuité pour la censive des biens et droits susdits dix livres tournois à la fête de Noël et en le faisant ainsy nous et nos successeurs vous fairont jouir tranquillement des biens, droits, forêts et deveses susdites vous promettant que le dit Seigneur Roy et les siens vous garantiront et à votre monastère tous les biens et droits susdits ainsy qu’il est expliqué cy-dessus et vous seront de toute éviction, reconnaissant que vous nous ayez payé les deux cents livres tournois que vous nous avez offerts pour l’achat des susdits biens que nous avons reçues et numérées pour le dit seigneur Roy renonçant à toute exception d’argent non comté et tout dol  et fraude…nous vous promettons encore que le dit Seigneur Roy et les siens vous fairont garder et défendre les bois et devèses des dits termes aux dépens pourtant de votre couvent pour que personne ni coupe du bois ni fasse dépaître aucuns bestiaux sans votre permission et de votre monastère ; car nous vous vendons dans ces forêts en défense et dans tout ce dessus à vous par nous accordé nous vous cédons les droits et actions au nom de notre Seigneur Roy le competant et nous vous en accordons la possession à vous et à votre monastère pour que vous dès à présent par vous ou par tout autre et quand il vous plaira en preniez la possession corporelle sans autre licence à demander ; confrontant les dits termes, forêts et devèses sçavoir : le terme de LAVAUR confronte d’autan le chemin qui va de RIEUNETTE  à AGREFEL-BAS ; de cers la rivière du LAUQUET qui coule du côté d’AGREFEL vers le village de LADERN ; de midy le terme d’AGREFEL et d’aquilon le terme du dit monastère de Notre Dame de RIEUNETTE , et le terme de VILLADEGUERT confronte d’auta  n le terme du dit monastère et celuy de la maison des Templiers ; de cers le décimaire de ST GENES de LADERN ; d’aquilon le terme vulgairement appelé de VALETOU ; de midy le décimaire de ST PIERRE DE CUXAC ; laquelle vente, achat, cession ou concession nous susdite Dame abbesse de RIEUNETTE  avons accepté et obligé pour le payement des dites dix livres tournois payables à la fête de Noël au dit seigneur Roy tous les ans dans CARCASSONNE  au viguier de CARCASSONNE  ou à celuy qui tiendra sa place le dit monastère et tous ses biens et d’effectuer la dite promesse de faire même approuver, satisfaire et confirmer tout ce dessus par notre couvent ce qui a été fait dans la cité de CARCASSONNE  au palais du dit Seigneur Roy en présence et témoignage : de Pierre RADEMUNDI, juge mage du dit sénéchal ; de Pierre de PROMI, viguier de CARCASSONNE ; de Guillaume de VILLENEUVE, juge de FENOUILLEDES ; de Pierre AMICI, clerc du dit seigneur sénéchal ; de RIVIERE, juge ; de Grégoire CASCANELLI, avocat de CARCASSONNE ; de Pierre-Bernard GARINI, bayle du dit Seigneur Roy au lieu de LADERN ; de Guillaume MONTREAL, notaire de CARCASSONNE  et Pierre INOCHETI, notaire de CARCASSONNE , qui reçu le dit acte l’an de notre Seigneur 1292 le 11 des calendes de novembre, régnant Philippe IV, Roy de Fraance, dont moi, Guillaume GARINI, notaire public et royal du sénéchal et ville de CARCASSONNE ai écrit et signé ce dessus et moi, TERROIN, notaire susdit l’ai souscrit et signé régnant le dit sérénissime Philippe IV, Roy de France, et pour plus grande valeur des présentes nous dit sénéchal y avons fait apposer notre sceau nous ayant agréables les dites ventes, concessions, assignations et traditions nous le ratifiions, approuvons et par la teneur des présentes les confirmons accordant aux dites religieuses que tout ce qui leur a été vendu, assigné et concédé cy-dessus, elles les jouissent et gardent à perpétuité pour elles etbleur monastère sans qu’il leur soit permis de les vendre ni faire passer à autre main sauf nos droits et afin que ceci soit ferme et stable nous avons fait apposer aux présentes lettres le sceau. Donné à PARIS l’an de notre seigneur au mois de Décembre 1292 » (1). 

Vers la fin du XIIIème siècle, Mathilde II, abbesse de RIEUNETTE , obtint de Pierre, évêque de CARCASSONNE , la confirmation du don qu’OTHON, un de ses prédécesseurs, avait fait à l’abbaye.

11 – REFORME DE LA REGLE :

Pendant plus d’un siècle et demi, la communauté des religieuses de RIEUNETTE  observa scrupuleusement la règle alors en vigueur, mais il dut se glisser un certain relâchement dans l’observation de cette règle, puisque une réforme fut reconnue absolument nécessaire. Un moine de FONTFROIDE va nous apprendre en quoi consistait cette réforme.

En 1346, dans le mois de juillet, Bernard, abbé de FONTFROIDE (2), visite au nom de l’abbé de CITEAUX, l’abbaye de RIEUNETTE, fille immédiate de celle de CITEAUX, et y fait des règlements pour la conservation de la discipline.

«  Moi, Bernard, disait l’abbé de FONTFROIDE, après avoir visité la communauté de RIEUNETTE, ai donné les injonctions suivantes :

1° Les offices divins devront être célébrés conformément aux usages établis dans les monastères ;

2° on gardera le silence dans les lieux où il est prescrit par la règle de ST BERNARD ;

3° aucune nourriture ne pourra être prise après les COMPLIES ;

4° les religieuses ne devront, pour aucun motif, permettre aux personnes séculières de se mêler avec elles ;

5° il importe que la nourriture et le vêtement des moindres ne dérogent en rien aux usages apostoliques ;

6° la supérieure est tenue de donner à ses sœurs une nourriture saine et une boisson de bonne qualité, qu’elle se garde de leur faire servir du vin troublé ou mélangé avec l’eau, qu’elle leur accorde trois repas par jour ;

7° selon ce qui est prescrit par ST BERNARD, les religieuses devront chanter ensemble et aux heures prescrites. »

Après ces injonctions viennent d’autres conseils d’un ordre  plus délicat :

«  La moinesse, ajoutait Bernard, qui négligera sa réputation devra être punie ; aucune d’elles ne saurait se permettre d’entrer dans l’hospice réservé aux donnés, si l’abbesse ou bien la prieure, ne l’accompagne ; aucune ne doit sortir du dortoir ou dormir hors du monastère sans une maladie qui l’exige ; aucune ne doit sortir du cloître après Complies, sans une autorisation spéciale ; si une moinesse manque publiquement aux exigences de la chasteté, si elle se rend coupable d’une faute infamante, la supérieure est tenue de la séquestrer et de ne permettre à aucune sœur de lui adresser la parole ; cette permission ne pouvait être accordée qu’à la sœur chargée de surveiller la personne punie ; les moinesses qui seront frappées par une de leurs compagnes, ne doivent pas repousser la violence par la violence ; celles qui manqueraient à ce devoir devront être séquestrées jusqu’à ce  qu’il soit jugé à propos de faire grâce pour cette infraction aux règles monastiques ; en filant ou bien en se livrant à un travail manuel, il était interdit de dire les heures de la Vierge, même celles du jour ».

Les religieuses de RIEUNETTE  observèrent avec fidélité les règlements ci-dessus, puisque après deux siècles écoulés, nous les retrouvons sous la même règle sans qu’aucune autre ait été jugé nécessaire.

12 – LES HUGUENOTS :

Plus de trois cents ans s’étaient écoulés depuis les ALBIGEOIS, et les religieuses de RIEUNETTE, pendant ces longues années, à l’ombre du cloître, continuaient à faire germer et à développer au milieu d’elles les plus belles et les plus sublimes vertus.

De même que les abeilles diligentes travaillent sans relâche à leur ruche, sous le regard de leur reine ;, de même les religieuses de RIEUNETTE travaillaient avec ardeur à leur propre sanctification, sous les yeux de l’abbesse, et surtout sous le regard si doux de MARIE, la    ………..au ciel et de la terre.

Mais des guêpes jalouses, ne vivant que de vols et de rapines, vinrent troubler et disperser le joyeux essaim, et détruire de nouveau leur antique ruche.

Des bandes de HUGUENOTS ou CALVINISTES couraient les campagnes, dévastaient les églises, violaient les tombeaux et brisaient les statues.

Le CALVINISME pénétra dans CARCASSONNE en 1551, et, en 1560, les CALVINISTES de la ville eurent l’impudence d’arracher de sa niche une statue de la Vierge et de la traîner dans la rue.

Antoinette II de PALAJA, abbesse de RIEUNETTE, après avoir affermé les terres de RIEUNETTE  et de LAVAUR ( 15 octobre 1518), se réfugia à CARCASSONNE , avec un petit nombre de religieuses, pour se soustraire aux sévices dont elle était menacée de la part des HUGUENOTS et remit en dépôt entre les mains de Pierre IV de PUMISSON, abbé de VILLELONGUE, les meubles, ornements, reliques de son église, entre autres le rochet en fil de ST DOMINIQUE ; d’autres religieuses rentrèrent chez leurs parents.

Les HUGUENOTS insultèrent plus d’une fois le monastère, brûlèrent ses granges et métairies, et les seigneurs du voisinage, la plupart huguenots, s’emparèrent des biens de RIEUNETTE .

En 1568, les HUGUENOTS brûlent et renversent les bâtiments claustraux de RIEUNETTE  (1).

Déjà avancée en âge, et accablée par la tristesse que lui causaient la ruine de l’abbaye et la dispersion de ses compagnes, Antoinette II de PALAJA mourut de chagrin quelque temps après. «  A sa mort, dit la chronique, un chacun prit le deuil ».

Durant le reste du XVIème siècle et la moitié du suivant, il ne fut pas possible aux religieuses de rentrer dans leur monastère, et la série des abbesses fut interrompue pendant plus de quatre vingt ans, après la mort d’Antoinette de PALAJA.

13 – ABBES DE VILLELONGUE, PROCUREURS, TUTEURS ET ADMINISTRATEURS DE L’ABBAYE DE RIEUNETTE :

Les abbés et religieux de VILLELONGUE, procureurs et administrateurs des biens des religieuses, au lieu de les conserver pour des temps meilleurs, vendent pour la somme de 3045 livres l’abbaye de RIEUNETTE , LAVAUR et CASSANELS avec ses terres et dépendances, sous redevance, et en fief, aux sieurs de VILLEGLY, nommés de GRAVE, lesquels sont joui jusqu’en 1655, mais non sans trouble, les huit dernières années, la dite vente faite pour payer leur part de l’abbaye de VILLELONGUE  dans la subvention du Clergé (1).

Les religieux de VILLELONGUE  font des offres au sieur de GRAVE, pour le rachat de RIEUNETTE ( 17 juillet 1615).

En 1620 ( 13 mars), renouvellement d’inféodation de la terre de RIEUNETTE , précédemment consenti par ANNE DE GRAVE, seigneur de VILLEGLY et de RIEUNETTE , devant GRASSY, notaire royal de CONQUES, en faveur des sieurs ROBERT, oncle et neveu : ledit renouvellement consenti par les religieux de VILLELONGUE , pour la somme de 600 livres (2).

14 – CONFLIT ENTRE LES ABBES DE VILLELONGUE ET CECILE DE NOE, ABBESSE DE RIEUNETTE :

LOUIS XIV, roi de France, après avoir mis un terme à la guerre entre les catholiques et les huguenots, nomma CECILE DE NOE, abbesse de RIEUNETTE (7 juillet 1648).

Les lettres de motivation lui prescrivent de restaurer l’abbaye de RIEUNETTE, renversée par les guerres civiles et depuis quatre vingt ans vacante ; de réintégrer les biens de l’abbaye usurpés, et d’employer les dots des filles qui seraient admises à faire profession, pour acquérir les meubles nécessaires à l’abbaye.

CECILE DE NOE, en vertu de l’ordonnance royale et de la bulle pontificale d’INNOCENT X ( 20 avril 1650), notifia son élection à l’abbé et aux religieux de VILLELONGUE ; leur demanda les titres de l’abbaye de RIEUNETTE , dont ils étaient dépositaires, en même temps le compte des fruits qu’ils avaient perçus depuis la mort d’ANTOINETTE DE PALAJA ; et prit possession, par procureur, de l’abbaye de RIEUNETTE  ( 15 septembre 1650).

La nouvelle abbesse fonda un asile dans la Cité de CARCASSONNE  avec l’autorisation de l’évêque et l’assistance de noble dame d’HERMINIS et de MARGUERITE DE BONNAFOUX, en attendant que les lieux réguliers de l’abbaye fussent complètement réparés.

Le syndic du monastère de VILLELONGUE  forme opposition et présente requête au parlement de TOULOUSE, aux fins d’être maintenu en possession des biens de l’abbaye de RIEUNETTE  (14 avril 1651). Le Chapitre général de l’ordre de CITEAUX, par un décret, porte défense à CECILE DE NOE, de faire fonctions d’abbesse au lieu de RIEUNETTE, uni à VILLELONGUE  ( 8 mai 1651) ; et le syndic de l’abbaye de VILLELONGUE se porte appelant comme d’abus, au Parlement de TOULOPUSE, de l’exécution des bulles de CECILE DE NOE ; il conclut à ce que, sans avoir égard à la procédure faite par l’official de CARCASSONNE , lui syndic, soit maintenu en tous les biens de RIEUNETTE , et qu’il fut enjoint à CECILE DE NOE de se retirer dans son monastère ( 21 juin 1651).

Le conseil privé du roi rend un arrêt, dans la cause entre HENRI DE MARCASSUS, abbé de VILLELONGUE , et CECILE DE NOE, abbesse de RIEUNETTE , par lequel les parties sont renvoyées par devant le Parlement de TOULOUSE ( juin 1653) (1).

Le Parlement de TOULOUSE rend un arrêt contradictoire entre messire HENRI DE MARCASSUS et CECILE DE NOE, portant maintenue, en faveur de CECILE DE NOE, des biens et possessions de l’abbaye de RIEUNETTE , avec restitution des fruits perçus depuis l’introduction de l’instance.

Les religieux de VILLELONGUE  se révoltent contre Maître FRANCOIS DE TURLES, conseiller au Parlement de TOULOUSE, commis pour l’exécution de l’arrêt de maintenue de CECILE DE NOE ( 9 août 1654 ) (2), et aussi contre l’huissier porteur de l’exécutoire de remboursement d’épices de l’arrêt de Parlement de TOULOUSE, de maintenue au Profit de CECILE DE NOE ( 16 septembre 1654) (3).

Ils firent un attroupement de quatre à cinq cents hommes, tant à pied qu’à cheval, avec des massues et un mineur, tout comme pour un siège, et se transportèrent à RIEUNETTE où CECILE DE NOE avec quatorze religieuses étaient allées pour se rétablir ; et le dit attroupement ayant mis à bas les bâtiments où logeaient les religieuses, elles se réfugièrent dans l’église au pied de l’autel, qui fut percé en mille endroits : une religieuse ELIZABETH DE LEVIS, blessée d’un coup de mousquet au-dessous du genou, dont elle fut malade de six mois ; un domestique blessé à la hanche ; ils sortirent, avec violence, l’abbesse et ses religieuses de leur monastère ; et après avoir pris leurs revenus, brûlèrent tous les bâtiments jusques à la porte de l’église.

CECILE DE NOE, pour éviter de nouvelles violences, se retira avec ses religieuses dans l’asile qu’elle avait fondé dans la Cité de CARCASSONNE.

Puis, elle se rendit à PARIS dans le but d’obtenir un arrêt favorable.

Elle passa plusieurs années dans la capitale poursuivant énergiquement le cours de ses démarches, mais elle n’eut pas la consolation d’en voir la fin ; elle meurt le 10 décembre 1662, et fut ensevelie au collège de ST BERNARD, de cette ville.

Nous rapporterons ici le trait suivant de CECILE DE NOE, alors qu’elle faisait relever les bâtiments claustraux de RIEUNETTE, il nous donnera une idée de la bonté de la pieuse abbesse.

Il est raconté qu’un jour le sieur J.CROS, domicilié au hameau de CASTILLOU, gardait ses vaches dans un terrain limitrophe des terres de l’abbaye de RIEUNETTE ; or celles-ci disparurent, et malgré ses recherches, il fut obligé de rentrer au logis sans vaches. La nuit dû lui paraître longue ! Le lendemain, à la pointe du jouir, il continua ses perquisitions, et cette fois plus heureux que la veille, il les retrouva ; mais, hélas ! elles paissaient dans un champ appartenant à l’abbaye et qu’elles avaient sensiblement endommagé.

J.CROS était un homme de bien et il ne croyait pas pouvoir reprendre ses vaches sans réparer le tort qu’elles avaient causé. Il va donc à l’abbaye et demande à parler à Madame l’abbesse. «  Je viens, Madame l’abbesse, dit-il, vous payer les dommages causés, à votre récolte, par mes vaches, qui s’égarèrent hier soir, et que j’ai retrouvées seulement ce matin dans un champ d’avoine vous appartenant ».

L’abbesse voyant le bon CROS si marri et charmée en même temps de sa probité tira de son cou une chaîne en or à laquelle était suspendue une magnifique croix, et la lui mettant au cou : «  Tenez, mon ami, lui dit-elle, je vous donne cette croix en souvenir de votre délicatesse, pour toute réparation, je vous demande de la garder toujours en souvenir de moi.

  1. CROS en prit volontiers l’engagement, il y fut fidèle pendant toute sa vie, et à ses derniers moments, il ne cessait de répéter à ceux qui l’entouraient : « Laissez appendue à mon cou cette belle croix, telle quelle y a été placée par les mains angéliques de Madame l’abbesse CECILE DE NOE, elle me rappelle de trop pieux souvenirs pour qu’elle ne me suive pas jusques dans la tombe ! ».

15 – ELIZABETH DE LEVIS NOMMEE ABBESSE DE RIEUNETTE :

ELIZABETH DE LEVIS est nommée abbesse de RIEUNETTE  par LOUIS XIV, roi de France ( 20 avril 1662), et obtient les bulles du pape ALEXANDRE VII ( même année, 24 novembre).

Cette femme, douée d’une grande énergie, avait été mise à une rude épreuve dans l’abbaye de RIEUNETTE, lorsque les religieux de VILLELONGUE, accompagnés de gens armés, s’y étaient rendus pour la dévaster et en chasser les religieuses.

Les actes de brutalité et de cruauté dont elle eut à souffrir, la décidèrent à ne négliger aucun moyen pour faire restituer à sa communauté les droits dont elle avait été injustement dépouillée.

Messire JEAN 6 de ST JEAN DE MOUSSOULENS, abbé de VILLELONGUE, s’était pourvu en cassation, en 1655, devant le Grand Conseil, du premier arrêt en faveur de Cécile de Noé en 1654.

Aussi Elisabeth de Lévis, voulant terminer d’une manière définitive ce procès, demande de nouveau aux religieux de VILLELONGUE, la restitution des fruits qu’ils avaient perçus à RIEUNETTE pendant que la gestion des terres qui e dépendaient leur avait été confiée.

Les nouveaux débats judiciaires engagés à cette occasion furent couronnés d’un plein succès, et les compagnes dont Elisabeth de Lévis était entourée purent percevoir non seulement les fruits de l’abbaye, par arrêt du Grand Conseil, le 8 septembre 1663, mais encore posséder définitivement l’abbaye de RIEUNETTE, au préjudice de Jean de ST-JEAN de MOUSSOULENS, par arrêt du Grand Conseil, le 30 septembre 1665 (1).

Ensuite Elisabeth de Lévis se hâta de donner des suites au projet d’établissement pour sa communauté à la Cité de Carcassonne.

Se rappelant alors l’offre bienveillante et toute paternelle de Vitalis de l’Etang, évêque de Carcassonne, qui avait été faite à Cécile de Noé, crut trouver les mêmes grâces auprès de NOGARET de la VALETTE d’EPERNON, évêque de CARCASSONNE ; mais ce dernier fut loin de ressembler à VITALIS DE L’ESTANG sous le rapport du désintéressement.

LOUIS DE NOGARET DE LA VALETTE D’EPERNON au lieu d’encourager l’établissement des religieuses de RIEUNETTE dans la Cité de CARCASSONNE, mit en œuvre tous les moyens d’opposition en son pouvoir pour empêcher la réalisation d’un pareil projet.

ELIZABETH DE LEVIS s’entoura vainement des témoignages les plus honorables ; elle prouva sans plus de succès que son asile pouvait être utile aux Carcassonnais, et que les sœurs dont elle était entourée se conduisaient de la manière la plus digne et la plus édifiante, l’évêque resta sourd à toutes les sollicitations et il fallut se décider, bien à regret, à en appeler à une autorité supérieure.

16 – REQUETE D’ELIZABETH DE LEVIS AU GRAND CONSEIL, AUX FINX D’ETRE MAINTENUE DANS SON ETABLISSEMENT DE LA CITE DE CARCASSONNE , MALGRE L’OPPOSITION DE L’EVEQUE DE CARCASSONNE :

«  En exécution de l’arrêt du conseil du 30 septembre 1665, la suppliante s’est fait mettre en possession de ladite abbaye de RIEUNETTE  par un commissaire ; mais comme l’évêque de CARCASSONNE a veu que la suppliante prétendait du premier arrêt prononcé en faveur de CECILE DE NOE en 1654. Aussi ELIZABETH DE LEVIS, voulant terminer d’une manière définitive ce procès, demanda de nouveau aux religieux de VILLELONGUE, la restitution des fruits qu’ils avaient perçus à RIEUNETTE pendant que la gestion des terres qui en dépendaient leur avait été confiée.

Les nouveaux débats judiciaires engagés à cette occasion, furent couronnés d’un plein succès, et les compagnes dont ELIZABETH DE LEVIS était entourée purent percevoir non seulement les fruits de l’abbaye, par arrêt du Grand Conseil, le 8 septembre 1663, mais encore posséder définitivement l’abbaye de RIEUNETTE, au préjudice de JEAN DE ST JEAN DE MOUSSOULENS, par arrêt du Grand Conseil, le 30 septembre 1665 (1).

     Ensuite ELIZABETH DE LEVIS se hâta de donner des suites au projet d’établissement pour sa communauté à la Cité de CARCASSONNE.

     Se rappelant alors l’offre bienveillante et toute paternelle de VITALIS DE L’ESTANG, évêque de CARCASSONNE, qui avait été faite à CECILE DE NOE, crut trouver les mêmes grâces auprès de NOGARET DE LA VALETTE D’EPERNON, évêque de CARCASSONNE ; mais ce dernier fut loin de demeurer dans ladite maison et establissement de la Cité de CARCASSONNE, avec ses filles religieuses, en haine d’un procès qu’il a contre le sieur marquis de MIREPOIX, il a fait exercer sa vengeance contre la suppliante, qui est de la maison de MIREPOIX ; et sans considérer que ledit establissement est fait par VITALIS DE L’ESTANG, ancien évêque, du consentement des habitants de ladite Cité, et la possession de plus de seize années ; que la dite abbaye de RIEUNETTE est toute ruinée et démolie, et que ladite dame abbesse et religieuses n’ont point d’autre maison, le jour de la Feste-DIEU et ST JEAN BAPTISTE, fit rendre une ordonnance par son vicaire-général, portant deffences à tous prestres et religieux de dire la messe dans l’église du dit couvent ; le dit vicaire-général fit plus ; car, le commissaire exécuteur de l’arrêt du Grand Conseil lui ayant fait voir une lettre de cachet de S.M, adressant audit seigneur évêsque, pour laisser en paix la suppliante dans ledit couvent, il en fit un grand mespris ; et nonobstant icelle, menaça de faire emprisonner tous les prestres et religieux qui diroient la messe dans la chapelle dudit couvent, et enjoignit à la suppliante et à ses religieuses de sortir de ladite ville, ce qui obligea ladite suppliante de présenter sa requeste au Conseil d’Etat de S.M sur laquelle serait intervenu arrest le 20 octobre dernier, portant renvoy des parties, charges et informations au grand Conseil ; et cependant que le service divin serai restabli dans ledit couvent – 1666 ».

Le 8 juin 1668, bulle du cardinal de VENDOME, légat à latère, en France, du pape CLEMENT IX, adressée aux dames abbesse et religieuses de RIEUNETTE, portant confirmation de la translation de la dite abbaye dans la Cité de CCARCASSONNE, et de tous les autres faits en conséquence.

17 – LETTRES PATENTES DE LOUIS XIV PORTANT TRANSLATION DE L’ABBAYE DE RIEUNETTE DANS LA CITE DE CARCASSONNE :

LOUIS XIV, roi de France, etc.

Nos chères et bien aimées ELIZABETN DE LEVIS abbesse, et les religieuses, prieure et couvent de l’abbaye Nostre-Dame de RIEUNETTE , ordre de CITEAUX, diocèse de CARCASSONNE , nous ont fait tres humbles remonstrances…que ladite abbaye et religieuses auroient subsisté plusieurs siècles, dans les lieux de sa première fondation, avec grand zèle et communauté célèbre ; mais les guerres civiles du dernier siècle, qui ont duré fort longtemps, les ayant nécessitées d’abandonner leur monastère et de prendre leur retraite dans notre ville de CARCASSONNE, pour se garantir de la fureur des guerres de ceux de la religion prétendue réformée ; et pendant ces désordres leur abbaye ayant esté démolie, elles auraient achevé de finir leurs jours sans pouvoir se rétablir, et tous leurs biens et revenus auaraient esté ensuite usurpez zt aliénez par les abbés et religieux de VILLELONGUE . Mais, lesdites guerres ayant pris fin…. De l’avis et conseil de la feüe Reine, lors régente de notre royaume, nostre très honorée dame et mère ( ANNE D’Autriche), nous aurions fait don de ladite abbaye à deffunte CECILE DE NOE, laquelle ayant esté pourvue en cour de ROME et en conséquence pris possession d’icelle, et establie avec sa communauté, composée de 15 ou 16 religieuses, en la Cité de CARCASSONNE, par le défunt sieur évêque dudit lieu, du consentemlent général des habitants er de leurs supérieurs, ensuite auroient acheté  les maisons et leiux nécessaires pour la construction d’une église et couvent ; et ayant esté troublées en la possession et jouissance des biens et revenus de ladite abbaye, elles y auraient esté maintenues et généralement en ses dépendances, par arrest contradictoires de nostre Parlement de THOLOSE, de l’année 1654, à l’exécution duquel aurait esté formé opposition avec grande violence de la part du sieur abbé et religieux de VILLELONGUE , avec un attroupement de quatre ou cinq cens hommes ; et les bastimens qui avaient esté construits au lieu de l’ancienne fondation de RIEUNETTE , par les soins de ladite déffunte DE NOE, auroient esté bruslez, et ldaite DE LEVIS, lors religieuse professe, blessée d’un coup dangereux, dans l’église dudit RIEUNETTE , et quelques domestiques, ce qui auroit obligé les exposantes de retourner dans leur establissement fait dans la Cité de CARCASSONNE ; et ladite DE NOE, accompagnée de ladite DE LEVIS, et d’une autre de ses religieuses, auroit porté sa plainte à notre Conseil, pendant lequel temps estant décédée , nous aurions pareillement fait don de ladite abbaye à ladite DE LEVIS ; après quoi, elle aurait esté pareillement maintenue en la possession de ladite abbaye et ses dépendances ; mais l’exposante et ses religieuses ayant esté troublées de nouveau dans ledit establissement de CARCASSONNE , par le sieur de NOGARET DE LA VALETTE D’EPERNON, à présente évesque de nostre dite ville de CARCASSONNE, elles y auroient ésté maintenues par arrest de notre Conseil privé, rendu sur les requestes respectives du dit sieur évesque et de ladite DE LEVIS, le 29 may de la présente année : nous aurions ordonné qu’en conséquence du consentement du dit déffunt  sieur évêsque  et des habitants de CARCASSONNE , ledit monastère de l’abbaye de RIEUNETTE seroit transféré dans ladite Cité de CARCASSONNE , au lieu où ladite abbesse et religieuses font présentement leur demeure, pour y vivre sous la mesme discipline ei juridiction à laquelle elles estoient  soumises dans le lieu de RIEUNETTE , eu qu’à cet effet seroient lettres patentes expédiées aux exposantes…..A ces causes, et ayant esté pleinement infirmez que ladite abbaye de RIEUNETTE  est située au milieu d’une forest et entourée de deux grandes montagnes, entre les lieux de LADERN, GREFFEIL et MOLIERES, et qu’elle est inhabitable à cause du démolissement général qui en fut fait, non seulement en 1568, par les Huguenots, mais encore depuis, par celuy de 1656, fait par l ‘abbée de VILLELONGUE , avec un pillage général de tous les meubles et autres choses appartenantes aux dites religieuses, et voulant favorablement traiter les exposantes et pourvoir à leur entière sûreté….Nous avons….approuvé et confirmé, approuvons et confirmons l’establissement et translation des dites exposantes dans la cité de CARCASSONNE , et dans la mesme maison où elles font présentement leur demeure, suivant et conformément audit arrest de notre Conseil dudit jour 29 may de la présente année 1668, et aux contrats d’achat de la maison ou constitution de dot des dites religieuses, qu’elles ont cy-devant faits les 11 janvier et 6 février 1652 ; Avons transféré et transférons en icelle maison le corps et titre de ladite abbaye NOTRE-DAME de RIEUNETTE , du lieu de son ancienne fondation, avec les biens, domaines, privilèges, franchises et exemptions, pour le tout y demeurer uni et incorporé et en jouir, faire et disposer….conformément à leur règle et constitutions et à nos ordonnances ; Avons permis….aux exposantes de faire construire et édifier, au lieu et place de ladite maison et lieux dépendans et adjacens, un monastère, closture, dortoir, église, jardins et autres demeures convenables… et y faire continuer la célébration du service divin selon leur ordre ; laquelle maison et places en dépendans et lieux adjacens, nous avons à cette fin amortis et amortissons, comme à Dieu dédiez ; permettons en outre aux exposantes de tenir, posséder et jouir des héritages à (mot illisible)..appartenans, dépendans de la dite abbaye de RIEUNETTE…sans qu’elles y puissent estre troublées par quelque personne que ce soit, sous prétexte de la dite translation ou autrement ; prenant le tout ensemble, lesdites abbesse et religieuses, prieure et couvent, sous notre protection et sauvegarde, à la charge qu’elles seront obligées de continuer dans la maison où elles sont establies à présent, en ladite Cité de Carcassonne, les prières ordinaires accoutumées et ordonnées par les rois nos prédécesseurs, dotateurs de ladite abbaye ; et mesme de faire tenir en état l’église de l’ancienne fondation d’icelle, et d’y faire célébrer une messe basse tous les dimanches et festes de l’année, et en outre de payer toutes les autres charges auxquelles elles peuvent estre obligées par leur fondation et dotation. Si donnons en mandatement, etc….

Donné à ST-GERMAIN-EN-LAYE, au mois de septembre, l’an de grâce 1668 et de nostre règne le 26ème. Signé LOUIS…et scellées du grand sceau de cire verte, en lacs de soye rouge et verte » (1).

Le 8 novembre 1668, arrest du grand Conseil, en exécution des Lettres patentes qui précèdent, portant confirmation de la translation de l’abbaye de RIEUNETTE en la Cité de CARCASSONNE, du mois de septembre, même année (2).

Le 3 janvier 1669, ordonnance du sénéchal de CARCASSONNE, portant enregistrement des Lettres patentes de translation des religieuses de RIEUNETTE en la Cité de CARCASSONNE (3).

Le couvent des religieuses de RIEUNETTE, en la Cité de CARCASSONNE, était celui qui était occupé au 19ème siècle par les humbles frères de la doctrine chrétienne, à l’ouest du puits banal, dit du PLO ou du PLAU (4).

18 – MEURTRE D’ELISABETH DE LEVIS :

Ce n’était pas assez d’avoir contraint les religieux de VILLELONGUE à restituer des fonds qu’ils gardaient indûment entre leurs mains ; ce n’était pas assez non plus d’avoir vaincu les résistances de l’évêque de Carcassonne, Elisabeth de Lévis essaya de pousser plus loin ses revendications, en demandant au seigneur voisin la restitution des terres qu’il avait usurpées, pendant que les religieux de VILLELONGUE adminidtraient l’abbaye de RIEUNETTE.

Ces débats furent longs et semés d’incidents ; cependant ils se terminèrent en faveur d’Elisabeth de Lévbis.

Dès que cette dernière eut connu le succès de son procès, elle fut assassinée le 13 juin 1671, à lâge de 39 ans, après 20 ans de profession, en allant avec un commissaire prendre possession de la métairie de La PRADE.

M.Claude BAZINde BEZONS, intendant du Languedoc, écrivit à M. de CHATEAUNEUF, secrétaire d’Etat, la lettre suivante :

« Je viens d’avoir advis que le 13 juin 1671, l’abbesse de RIEUNETTE a été assassinée de plusieurs coups de fusil, dont elle est morte. Cette abbesse s’appelait De LEVIS et était de la maison de MIREPOIX du côté gauche (1). L’abbaye de RIEUNETTE est de l’ordre de CISTEAUX, située dans le diocèse de CARCASSONNE : elle avait été usurpée pour les titres et pour les biens. Premièrement, les titres : elle y avait été maintenue par arrest du Grand Conseil, et comme elle est située en pleine campagne, elle a été transférée dans la Cité de CARCASSOINNE. Ces usurpations l’ont obligée à plaider contre ceux qui s’étaient emparés de quelques biens. Et M. le Marquis de MIREPOIX me donnant advis qu’allant accompagnée d’un commissaire pour prendre possession d’un des biens usurpés, auquel elle avait été maintenue, elle a été assassinée par six hommes, qui l’ont tuée à coups de fusil. Je n’ai point encore rien reçu de la part du commissaire qui l’accompagnait.

(1) Elisabeth de Lévis, d’après l’intendant de la Province était fille naturelle d’Alexandre de Lévis, marquis de Mirepoix, sénéchal de Carcassonne. D’autre part, le P. Anselme  (histoire générale des grands Officiers de la Couronne, t.IV, page 19) donne à Elisabeth de Lévis, la qualification de fille légitime du même Alexandre de Lévis et de >Louise de Roquelaure, sa seconde femme.

J’ai cependant envoyé ordre pour faire des procédures, et le soupçon tombera sans doute sur ceux qui avaient les différens avec elle. C’est une abbaye d’environ mil ou douze cens écus de revenu, et il faudra employer toute la force de la justice pour la punition d’un assassinat de cette qualité. Lorsque j’en aurai plus de lumières, je ne manquerai pas de vous en rendre compte, etc.. »

A la réponse de M. le secrétaire d’état, M. l’Intendant du Languedoc écrivit la lettre suivante :

« J’ai reçu votre lettre du 320 courant. Il ne s’est rien passé depuis mes dernières, sinon que l’on a arrêté quelques uns soupçonnez du meurtre de l’abbesse de RIEUNETTE, et le soupçon tombe entièrement sur un gentilhomme nommé MARC-ANTOINE DU FERRIER, seigneur de VILLAR-EN-VAL, qui avait procès avec elle, qui s’est évadé avec son domestique, sitôt qu’il a sçu que l’action était faite, etc » (histoire de Carcassonne – P.BOUGES, Page 653).

La poursuite a lieu sur la planite de noble JEAN-ANTOINE DE LEVIS, seigneur de LA BARAQUE, frère de la défunte abbesse.

Voici la déposition de dame Elisabeth de Loret, sœur de ST.Joseph, religieuse de RIEUNETTE :

Elisabeth de Loret dit que le sapmedy tretziesme du courrent, ladite dame-abbesse voulant allerprendre possession de la metterie de La Prade, dépendante de la dite abbaye de RIEUNETTE, la déposante la supplia avec soubzmission, de vouloir agréer sa compagnie, ce qu’elle luy accorda ; et estant parties de la metterie dite de La BOURDETTE, en compagnie de sieur PENDARIES, de La RIVOLLE, DURAND, LAFOREST, ses deux valets, et BRE, laquais de la doite dame abbesse, et estant entrés dans la dite metterie de La PRADE et prins possession d’ycelle, la femme de X….la pria de luy donner dellay à vuisezr la maison ; et la dite dame luy dit d’aller chercher le ditX…, son mary , qu’elle disait travailler en la metterie dite de PEYROMALLE ; et y estant allée, et après de retour aurait dir qu’elle n’avait pas trouvé son dit mary au dit PEYROMALLE ; et ainsin la dite dame abbesse ayant reprins le chemin de La BOURDETTE, la dépozante monta à cheval, avec le dit De La RIVOLLE et marchoint quelques pas devant, avec le dit DURAND, vallet, et BRE, laquais ; la dite dame abbesse et le dit PENDARIES venant à pied ; et lorsqu’ils eurent passé le sommet de la montaigne, ils entendirent tirer quatre coups de fuzil, et incontinent la dépozante recula avec le dit De La RIVOLLE et les dits vallet et laquais, vers la dite dame abbesse qu’ils avaient laissée ; et un moment apeès ils entendirent tirer trois autres coups de fuzil, et ayant rejoinet la dite dame-abbesse, elle pria la dépozante de prier Dieu pour elle , qu’elle estoit morte ; et luy mis son scapulaire dessus et dit quelques prières, elle fistntous ses efforts avecx les autres de la suiote, pour la transporter à la dite metterie de La BOURDETTE, où estant, il feust envoyé quérir en diligence le recteur de MOLIERES et le chirurgien de SAINT-HILAIRE ; mais la dite dame décéda deux heures après, ou environ, qu’elle fust dans la dite metterie et avant que le dit recteur ny le dit chirurgien ne fussent arrivés, ayant toujours invoqué le secours de la Ste6Vierge et demandé pardon et mizéricorde à Dieu, tant pour elle que pour ses ennemis. Et pour esvitter la continuation des mauvais traitements de ses assassins, elle fist porter le corps de la dite dame à la metterie de La VERRERIE ou de La VERRIERO, et emporta ce qu’elle peust sçauver de plus précieux, avec les papiers,etc… » ( ARCHIVES DE LA PREFECTURE DE L’AUDE).

Autre déposition de Philippe PENDARIS, bourgeois de la ville de NARBONNE :

« La dite dame, avec le déposant et sa suite, reprirent le chemin de la dite metterie de La BOURDETTE, à pied ; et les dits La RIVOLLE et dame Elisabeth de Loret, à cheval, ayant laissé dans la dite metterie de La PRADE, LAFOREST et SIRVENT, valletz, pour garder la dite metterie ; et lorsqu’ils feurent arrivés sur la montagne et au PAS-DE-LA-ROQUE, les dits La RIVOLLE, la dame Elisabeth de Loret, DURAND et BRE, vallet et laquais de la dite dame, s’estant un peu avancés et franchi ce pas, et comme c’est un défilé, la dite dame abbesse passant la première, Jeanne AUGER, sa demoizelle suivante après, et le déposant tout dernier, entendit tirer quatre fusillades, et le feu d’ycelles sortait d’une matte de buis qui est à côté gauche de la dite montée venant de la PRADE à La BOURDETTE ; et estant accouru à la dite matte, croyant que ce fussent des amis qui leur fissent quelque salve de joye, il y trouva encore trois fusiliers  ayant leurs fusils flanqués dans la dite matte, tenant chacun leurs fusils couchés en joue, et n’estant à descouvert que de leur chapeau, au nombre de six en tout ; et la dite dame cria sur l’instant : »Ah ! mon Dieu, Monsieur PENDARIES, je suis morte ! » et dans cet effroi, ayant voulu courir à son secours, son épée et la broussaille le firent tomber à terre, dans lequel moment on lui lascha trois coups de fusil qui lui passèrent sy près de son visage qu’il se trouva tout enflammé ; et s’estant relevé par le secours que la dite damoiselle AUGER luy donna, ils coureurent tous deux au secours de la dite dame, l’auroint enlevée de toutes leurs forces et tirée hors de ce danger et de ceste embuscade le plus promptement qu’il leur feust possible, ayant descouvert encore deux hommes habillés de toille, armés d’un fuzil chacun, qui venoint à coursse du costé du bois pour grossir le nombre des assassins. Et sur le bruit des fuzillades les dits de La RIVOLLE, la dame Elisabeth de Loret, DURAND vallet, et BRE laquais, ayant rebroussé chemin, coureurent à leur secours, tous persuadés que  s’estoient des assassins qui avoint laschés les coups de fuzil. Et comme la dite dame versait du sang de tous costés, ayant esté blessée à l’épaule gausche sortant soubz le bras droit, ils la prindrent à brad pour l’emporter ; et cependant, le dit La RIVOLLE avec ses pistolets et fuzil, et DURAND vallet, faisoint teste aux assassins, lesqules les suivoient pas à ,pas, à couvert de la broussaille. Et comme ils feurent dessendus à la metterie de La BOURDETTE, on coucha la dite dame abbesse, blessée, sur son lict. Le dépozant feust appelé par les domestiques de la dite dame pour venir voir sept hommes armés de fuzils qui faisoint front sur la descente de la montaigne, qu’il alla voir, en ayant descouvert un qui faisoit teste, habill d’une colleur obbscure, portant une grande carabatte blanche. Et ayant, le dépozant, donnéordre d’aller en diligence, chercher le curé de MOULLIERES, et AURIFEILHE, chirurgien de SAINT-HILAIRE, il entendait les plaintes de la dite dame qui recoimmandoit son ame à Dieu, invocant la Ste-Vierge, ayant toujours sa bonne servante ; et ainsy ayant parlé jusques au dernier soupir, de laglire de Dieu et de la Ste-Vierge, luy ayantdemandé pardon pour elle et pour ses ennemis, elle rendit l’âme à Dieu dans deux heures, avant que le prestre ny le chirurgien feussent arrivés. Et pour esvitter que ses assassins ne vinssent pas oendant la nuit achever leur mauvais dessain et pilher la maison, le dépozant fist tous se efforts de faire charger le corps de la dite dame dans la metterie de La VERRERIE ou de La VERRIERE, la plus prochaine, appartenant à elle, où il fist aussy apporter tout ce qu’il trouva de plus précieux dans la metterie de La BOURDETTE, où ayant le dit despozant escript pendant la nuiet du sapmedy, de l’ordre de la dite dame de St-JOSEPH, les lettres qu’elle lugea nécessaires, il vint, le dimanche quatorziesme, en la présente ville de CARCASSONNE où il arriva heure tarde, à cause de la pluye, et le lendemain il donna advis aud.s.r juge criminel. » ( ARCHIVES DE LA PREFECTURE DE L’AUDE).

Marc-Antoine du FERRIER, seigneur du VILLAR-EN-VAL, ayant disparu après l ‘assassinat de l’abbesse de RIEUNETTE, en fut réputé l’auteur principal, et ses biens confisqués et réunis au domaine de la couronne (1).Archives de la Préfecture de l’AUDE

La tradition du pays porte que le cadavre de l’abbesse de RIEUNETTE fut transporté à la métairie de la VERRERIE ou de la VERRIERE, dans le territoire de la communauté de MOLIERES ; que ses entrailles furent portées dans le cimetière de l’abbaye de RIEUNETTE, et son corps dans le cimetière de son monastère de la Cité de CARCASSONNE ; que depuis cette mort tragique, l’endroit où le meurtre fut commis a toujours été appelé « LE PAS-DE-MADAME » qui est un lieu isolé et fort élevé, décrivant un fer à cheval, dominant le beau VALK-DE-DAIGNE ou VALLIS DIANAE et formant la division du territoire de ce dernier d’avec celui de MOLIERES. (1- VIGUERIE : annales du diocèse de CARCASSONNE T.II.mss.fol.883)

Elisabeth DE LEVIS fut inhumée dans la nouvelle église de la maison de RIEUNETTE, à la Cité de CARCASSONNE, au pied du maître-autel, avec cette inscription : «  CY GIST Madame ELISABETH DE LEVIS, ABBESSE DE NOSTRE DAME DE RIEUNEDE, ASSASSIN2E LE SAMEDY JOUR DE SAINT-ANTOINE, LE 13 JUIN MDCLXXI »  ( 2) Les abbesses qui suivent n’ont plus résidé à RIEUNETTE, mais à leur maison de la Cité de CARCASSONNE, qui avait p^ris le nom d’abbaye de RIEUNETTE)

19 – MARIE-MARTHE de BRUYERES LE CHASTEL nommée abbesse de RIEUNETTE.

Elle est nommée par Louis XIV, roi de France ( en 1671), et obtient les bulles du pape CLEMENT X ( même année).

Le 16 avril 1674, elle reçoit la bénédiction abbatiale des mains de LOUIS-HERCULE de LEVIS de VENTADOUR, évêque de MIREPOIX.

A la réquisition de dame Elisabeth de LORET, prieure du monastère de l’abbaye royale Sainte-Marie de RIEUNETTE, transféré dans la Cité de Carcassonne, les sieurs Marc-Antoine PALLES et JEAN de LA ROZE , bourgeois de la Cité de CARCASSONNE, vérifient les terres de l’abbaye de Notre-Dame de RIEUNETTE. On lit dans leur compte-rendu, en date du 2 décembre 1680, ce qui suit :

« nous avons trouvé l’esglise,, qui est en voûte, toute remplie de vase, à cause que les eaux pluviales qui descendent de la montaigne entrent dans icelle, tant par la porte que par les fenestres, du côté du midy : la dite voûte sans estre couverte de tuile à canal, ce qui est cause que l’eau perce ladite voûte en beaucoup d’endroits. A l’endroit où estoit le maître-autel, il y a quelques tables formant une espèce de sacristie, lesquelles tables sont à demi-pourries, à cause de ladite transpiration d’eau de ladite voute. Auprès de ladite esglise, et du costé d’aquilon d’icelle, il y a un petit couvert et quelques vieilles masures, et un jardin en friche… »( 1 – ARCHIVES DE TIEUNETTE)

MARIE-MARTHE de BRUYERES LE CHATEL meurt en 1682.

20- Magdelaine- Marie-Marthe AUGET nommée abbesse de Rieunette par Louis XIV, roi de France (en 1683), et obtient les bulles du pape Innocent XI.

Magdelaine AUGET fit bâtir le chœur de l’Eglise, le dortoir et l’infirmerie, et acquit à cet effet diverses maisons de Carcassonne.

Nous lisons dans un acte notarié que cette abbesse, seigneuresse du fief dit de VILLADEGUERT

[1] GALLIA christiana tome VI. Instrumenta ecclesiae Carcassonensis.col.438 Charta XXXI. P.Bouges ( Histoire de Carcassonne. Page 540 Archives de Rieunette)

1Gallia Christina.t.VI.Instrumenta E.Carcassonensis.col.438.Charta.XXII. – P.BOUGES : Histoire de Carcassonne.p.540 Archives de Rieunette.

Le monastère de SAINT-PROJET DU DESERT (Travail en cours – v1.3 )

HISTOIRE DU MONASTÈRE DE SAINT-PROJET

(Commune de Neuvic – Corrèze)

*** Préface ***

Il y a plus de quarante ans, je possèdais une maison en Corrèze,  sur la Commune de Neuvic, dans un hameau qui se nomme LE VENT-BAS.

Celui-ci se situe au bord des côtes qui plongent dans la Dordogne dans la partie de cette rivière qui représente la retenue du Barrage de l’AIGLE.

Lors de mes promenades et lorsque je passais sur le Pont de Saint-Projet, je ne pouvais m’empêcher de m’arrêter à hauteur de l’endroit où se trouvent les restes inondés, par le Barrage, du Monastère. J’essayais  d’imaginer avec émotion la vie de ces religieuses qui ont vécu au fond de cette vallée de 1873 à 1945, (mais aussi de ces moines qui ont vécu bien plus longtemps, au cours du 15ème siècle), loin du monde.

Le village de SAINT-PROJET

 

LES EXTRAITS SIGNALES SON TIRES DE PLUSIEURS OUVRAGES CONCERNANT L’HISTOIRE DU MONASTERE MAIS EGALEMENT RACONTANT LA VIE du Père SERRES:

 » Le bon Père SERRES » de Joseph THERMES; « Le Monastère sous les eaux  » du Chanoine E.JOUBERT ;  » Le bon Père SERRES » par le père C.SCLAFERT.

UN MONASTÈRE SOUS LES EAUX

Localisation de Saint-Projet

Nous aimerions savoir comment se présentait ce couvent lorsqu’il fut construit par Archambaud de Ventadour en 1489. A défaut de documents contemporains nous devrons nous contenter des extraits du livre  » LE MONASTERE SOUS LES EAUX » du Chanoine E.JOUBERT édité en 1969. Ce livre m’a été offert par  Sœur Irène lorsque je suis allé la rencontrer aux Vaysses à Mauriac en 2017.

Le Chapitre I de ce livre est consacré à la fondation du Monastère. Voici ce que le Chanoine JOUBERT écrit:

La Bibliothèque Nationale et les Archives de l’ordre franciscain possèdent un ouvrage du XVIème siècle, édité en 1587, et qui a pour titre : « De origine seraphicoe religionis ». Son auteur, le R.P.François GONZAGUE, se propose de retracer l’histoire des couvents de l’Ordre franciscain. Et c’est ici que nous trouvons mentionnée la fondation du Couvent de St.Projet en Limousin. En un beau latin bien cadencé, l’historien montre le site où fut élevé le monastère: « Monsaterium profundissima quadam valle juxta Dordoniae fluminis marginem ».

Tout y est:la vallée encaissée et sauvage, la rivière Dordonia devenue notre Dordogne, et, sur la berge baignée par les eaux, le couvent.

Mais nous possédons d’autres documents plus précis. La « Gallia Christiana », au tome II, le « Nobiliaire d’Auvergne » au tome VI, vont nous renseigner davantage. Et tout spécialement la « Gallia Christiana », cette œuvre d’érudition monumentale due aux bénédictins de Saint-Maur au XVIIIème siècle. Le tome II renferme l’acte même de fondation de Saint-Projet. Il est bon que nous sachions comment cet acte, rédigé au XVème siècle, est parvenu jusqu’aux auteurs de la « Gallia Christiana ». Le 6 octobre 1711, un religieux bénédictin, Dom Boyer, chargé par le Cabinet des Chartes de relever les documents intéressant l’Histoire de l’Auvergne et du Limousin, se trouvait à Mauriac.Il y reçut deux moines de St Projet qui lui apportaient l’acte de fondation de leur couvent, conservé précieusement dans leur chartrier. Dom Boyer le recopia avec solin. C’est cette copie qui fut ensuite insérée dans le tome II page 537 de la « Gallia Christiana ». La voici-dessous :

Copie de l’acte de fondation du Couvent de Saint-Projet

Inutile d’ajouter que l’acte original a disparu pendant la Révolution.Voici donc la traduction de ce texte vénérable et fondamental traduit du latin:

« Sous Jean de Barthon, évêque de Limoges, le couvent de Saint-Projet des Frères Mineurs fut fondé sur les bords de la Dordogne, dans la paroisse de Neuvic, par Louis de Ventadour et son épouse Catherine de Beaufort, et par le Marquis de Scorailles, l’an 1489. Assistèrent comme témoins noble Chevalier d’Ussel, seigneur de Charlus et d’Anglards, et Charles de la Bessayrie, damoiseau »

Le Grand historien Etienne Baluze ( 1638-1718), originaire de Tulle, nous apprend en outre que les travaux de construction du couvent commencèrent sous la direction du Vicomte Archambaud de Ventadour; ils furent menés assez rapidement pour l’époque, puisque le 30 août 1505, l’évêque auxiliaire de Clermont, du nom de Laurent, consacra l’église conventuelle, en l’honneur de la Vierge Marie.

C’est donc grâce aux deux familles de Ventadour et de Scorailles que les franciscains purent s’établir sur les bords de la Dordogne. A cette époque les deux versants de la vallée étaient couverts d’immenses forêts. L’aspect impressionnant de solitude boisée qu’elle a conservé jusqu’à nos jours peut nous donner une idée de ce qu’elle était au XVème siècle: un véritable désert de verdure percé seulement de quelques mauvais sentiers. Les franciscains défrichèrent un coin de cette forêt pour y établir un jardin et quelques pâturages.

Dans ce livre « Le Monastère sous les Eaux », le chanoine JOUBERT cites les descriptions écrites par l’Abbé CHABAU:

Le Monastère de SAINT-PROJET avant son immersion
« Essentiellement nous retiendrons ceci : les constructions avaient la forme d’un carré bordé d’un côté par une vaste chapelle gothique – au côté opposé se trouvaient les bâtiments conventuels dont une grande façade longeait la rivière – au centre s’élevait le cloître que la Révolution respecta en partie, comme la chapelle.
L’église, écrit l’Abbé CHABAU, après une visite détaillée des ruines, ,le 21 septembre 1865, était en forme de croix. Les portes, les voûtes, et les fenêtres étaient de style gothique. Deux chapelles latérales avec autels en pierre massifs étaient adossées au couchant, comme le maître-autel. Je présume que le clocher était au-dessus du chœur. Le pavé était composé d’une mosaïque formée de petits cailloux et de petites briques formant diverses figures géométriques. Au-dessus du cloître il y avait un corridor faisant le tour du bâtiment. La façade du midi présente encore ( en 1865) deux étages. Au-dessous des caves voûtées. A l’angle sud-ouest, une tour ronde, actuellement en ruines. »

Le même auteur continue :

 » Le corps de logis à l’ouest est en ruines. La porte principale de l’église ouvre sur l’ouest. Une porte latérale mène au cloître…Il y a plus loin une écurie, un moulin et un four. Je n’ai pas reconnu les traces du cimetière. Peut-être enterrait-on les moines dans le cloître… »

Et pourtant , je précise que dans ce hameau de Saint-Projet à l’époque de la présence des moines, devait exister un cimetière où étaient enterrés les habitants du Vent-Bas . En effet nous pouvons constater sur les registres d’état-civil de Neuvic qu’en 1765 et peut-être avant et ce jusqu’à la Révolution au moment du départ des moines du Monastère, les actes de décès des habitants du Vent-Bas portaient cette précision : « le vingt décembre 1773 a été inhumé à Saint-Projet avec la permission de Mr le Curé… ». Pourquoi cette exception ? Il semblerait que l’éloignement du cimetière de Neuvic en soit la principale raison et que le fait qu’il existait des moines sur place à Saint-Projet soit aussi une des raisons également. Cela évitait probablement au Curé de Neuvic d’avoir à faire le déplacement.

Dans un autre manuscrit, le Père SERRES signale qu’au-dessus des caves se trouvait le réfectoire,et, lui, faisant face , la cuisine. Au second étage étaient les cellules des moines, donnant sur la Dordogne et séparées les unes des autres par de simples cloisons de planches. Au-dessus de chaque porte de cellule était grévé le nom d’un Saint. En 1865 une de ces inscriptions avait résisté au temps et à la Révolution. Elle portait ces mots : « Saint-François, 14 octobre 1611 ».

Tel fut le couvent de Saint-Projet à ses débuts. Pauvre petit couvent bien conforme à l’idéal d’humilité prêché et pratiqué par Saint-François d’Assise. Ici vécurent jusqu’en 1792, quelques moines – cinq ou six tout au plus – subsistant des produits du jardin, de la pêche et des aumônes qu’ils recevaient à l’occasion de leurs prédications dans les églises du voisinage » mais aussi sur les droits que percevaient les moines sur les droits pour traverser la Dordogne.

Dans ce livre « le Monastère sous les eaux », le chanoine E. JOUBERT raconte la vie des moines de Saint-Projet jusqu’ à la Révolution.

 » Dès 1489 , la vie s’installe peu à peu, dans ce coin perdu de la vallée.Les Pères défrichent de plus grandes étendus de terrain.Ils améliorent les sentiers afin de pouvoir communiquer avec Neuvic et Ussel. Ils établissent quelques barrages et des viviers pour conserver les poissons pêchés dans la Dordogne. Plus tard ils organiseront un service de barques sur la Dordogne pour traverser la rivière, car il n’y aucun pont sur la Dordogne à cet endroit et il faudra attendre le 19ème siècle ( en 1830 je crois) pour en voir établir un.

La présence des moines, l’appel de la cloche du couvent vont amener dans le pourtour quelques familles rurales qui s’y fixeront, assez loin du monastère, mais cependant sous son influence moralisatrice. En ce XVIème siècle  se renouvelle en celieu perdu entre Auvergne et Limousin ce qui se produit dans le haut du Moyen-Age, lors qu’autour des puissantes abbayes venaient s’agglomérer les maisons des pauvres gens, constituant ainsi à l’origine villes ou gros bourgs. Par les services qu’ils rendaient aux paroisses des alentours, les Pères se faisaient apprécier à Neuvic et dans d’autres communes périphériques et jusqu’à Mauriac. On les recevait avec sympathie et respect, tellement leurs robes de bures et leur simplicité portaient au culte de la pauvreté évangélique. On leur faisait des aumônes en nature: seigle , orge, légumes. On leur remettait de l’argent pour faire célébrer des messes dans leur chapelle. Et lorsqu’arrivait la fête de Saint-François d’Assise, le 4 octobre, les gens des deux côtés de la vallée prenaient l’habitude de venir faire leurs dévotions à Saint-projet. Le désert fleurissait.

Peu à peu la renommée du couvent dépassait les rives de la Dordogne. Les campagnes environnantes, Ussel et Mauriac bénéficiaient à leur tour des prédications des religieux. Le petit peuple aimait ces moines bruns qui prêchaient avec complicité et enthousiasme  la parole de Dieu. Il admirait leur humilité, la pauvreté et le dénuement de leur vie. Jusqu’à Salers ils étaient connus et appréciés. Un fait tiré de l’histoire même de Salers le montrera.

En 1545, Pierre Lizet, premier Président de la Cour du Parlement de Paris et natif de Salers, faisait son testament et entre autres legs, prenait la disposition suivante: cinq jeunes franciscains, dont trois seraient pris parmi les Pères de Saint-Projet, recevraient chacun vingt livres tournois pour les aider à continuer à étudier en achetant des livres.

D’autres legs et dons parvenaient aussi à Saint-Projet. Ils permettaient d’achever les travaux  de l’église et de construire un mur de clôture du côté de la forêt.

Et pendant que sur ces bords de la Dordogne le silence n’était percé que par les sons argentins de la cloche franciscaine, qui donc, ici dans le désert refleuri, se serai douté que la persécution allait venir sous la forme la plus odieuse de la guerre religieuse.

Pour l’instant Saint-Projet vit dans le calme. La joie franciscaine habite ces lieux absolument isolés que ne vient troubler aucun des bruits du dehors. A peine si de temps à autre un Père revenant de prêcher à Neuvic ou à Mauriac apporte-t-il quelque nouvelle extraordinaire…… Ces propos seront répétés au Couvent. On ne voudra pas y croire…. jusqu’au jour où Mauriac connaîtra les horreurs de l’invasion protestante. Nous sommes dans les années 1550/1570.

De Saint-Projet on pouvait entendre les échos de la bataille. On tira 900 coups de canon avant de réduire l,forteresse de Miremont toute proche. ……Le petit couvent franciscain était donc tout prêt à payer lui aussi son tribut sanglant. Déjà, lors du pillage de Mauriac, un franciscain de Saint-Projet qui se trouvait dans la ville fut pris, incarcéré puis pendu. Mais le martyre du Père Garrigues demeura davantage dans le souvenir populaire.

Qui était ce Père Garrigues ?

C’est dans un ouvrage du Père Gonzagues que le martyre de ce Père Garrigues est évoqué et nulle part ailleurs : Il indique les circonstances de sa mort en 1574 le 7 Octobre.

Envoyé à Mauriac par le Supérieur de Saint-Projet pour régler quelques affaires du couvent, il tombe par hasard entre les mains d’une bande d’hérétiques, sur le chemin qui, à travers de la forêt, montait de la Dordogne au plateau de Mauriac. Les forcenés, parc qu’il ne voulait renier ni le Christ ni son Église, le tuèrent et jetèrent son cadavre sur le côté du chemin, où il demeura abandonné un jour entier. Le lendemain, à la nuit tombée, des gens du voisinage emportèrent le corps au couvent. Il fut inhumé au cimetière des moines au milieu d’une foule éplorée.

Il n’est pas possible de déterminer avec exactitude en quelle année le monastère de Saint-Projet fut pillé par les Huguenots.

Mais comme nous savons que l’Abbaye de Valette située dans la vallée de la Dordogne et non loin de notre couvent franciscain a été incendiée en 1569 par une bande de Protestants. De là , pillant tout sur leur passage, ils remontèrent la vallée de la Dordogne jusqu’à Bort. Ils passèrent sûrement à Saint-Projet et c’est au cours de cette expédition qu’ils exeercèrent leur rage dévastatrice sur le couvent.

…..Les Pères s’enfuirent dans les bois, puis reparurent après le départ des ennemis.Lorsque le cadavre du Père Garrigues leur fut rapporté, ils avaient vraisemblablement commencé de réparer leur demeure et leur église, puisque le massacre du Père Garrigues fut perpétré seulement en 1574.

Après cette sinistre pèriode, le monastère bénédiction de Saint-Projet pansait se plaies et se contentait de remettre en état ses bâtiments saccadés par les Huguenots. L’office avait repris avec régularité et la cloche conventuelle rythmait à nouveau le déroulement de chaque journée.

…..Après la terrible secousse des guerres  religieuses, confiés à des curés qui souvent ne prêchaient pas, ces pauvres chrétiens pouvaient se ressaisir à l’occasion des missions. C’est pourquoi les Franciscains de Saint-Projet collaborèrent à cette œuvre de relèvement spirituel. Ils firent plus. Pour les enfants de ce coin de terre isolé ils ouvrirent une école élémentaire où ils apprenaient au moins à lire et à écrire. Cette petite école dura jusqu’à la Révolution Française.

Enfin, ils organisèrent sur une plus grande échelle le service des barques pour traverser la Dordogne. Soit par eux-mêmes, soit par un domestique, ils « passaient » les gens d’une rive à l’autre, moyennant un droit de péage.

Cela faisait un supplément de ressources avec les quêtes faites dans les paroisses voisines. On retrouve dans les souvenirs rapportés par le Père Serres  que les frères quêtaient au cours de tournées et que l’âne qui accompagnait le frère quêteur rentrait le soir au monastère était chargé de grains, de légumes et de fromages.

Ainsi , peu à peu, la situation matérielle du couvent s’améliorait.

Mais  en 1741 pour respecter les préceptes de Saint-François d’Assise ( les  religieux devaient être totalement détachés des biens de ce monde) une décision du Saint-Siège précisa que les Couvents devaient avoir un syndic séculier chargé d’administrer leurs biens. Et ce fut M.de la Pommeraie, Seigneur de La Vaysse qui fut chargé de gérer les biens du couvent de Saint-Projet.

La vie s’écoulait dans cette vallée profonde et complètement isolée et il ne semble pas que la « Grande Peur » de 1789 se soit fait sentir ici.

Mais voici l’année 1790 qui va creuser un fossé profond entre l’Eglise et la révolution. A partir de cette année et du vote de la Loi sur la Constitution Civile du Clergé, la séparation va être totale.

Le 21 mai , les Pères de Saint-Projet sont convoqués à la Mairie de Neuvic afin qu’ils déclarent s’ils veulent ou non continuer de mener la vie conventuelle. Ils sont quatre: SAINT-RAMES gardien, FAYANT, VEYRE et CASSE. Tous déclarent vouloir continuer à mener leur vie religieuse en suivant la règle de Saint-François. Un seul, le gardien ou supérieur, changera d’avis plus tard et reprendra sa liberté.

Le 12 juillet 1790, la Constitution civile du Clergé est votée et le 18 , à Neuvic, a lieu la vente du Couvent de Saint-Projet considéré comme Bien National.

On peut trouver dans le registre des délibérations municipales de NEUVIC dont Saint-Projet faisait partie :

« Aujourd’hui , 18 juillet 1790, le Conseil général de la commune et de la ville de Neuvic s’étant assemblé [..] afin que le dit Conseil voulut bien témoigner ses intentions sur l’acquisition des domaines nationaux sis et situés au lieu de Saint-Projet sur la paroisse de Neuvic; lesquels biens consistent :
  1. en un droit de barque sur la Dordogne,
  2. une petite communauté dont les murs menacent ruine,
  3. un enclos de la contenance de 12 septerées ( la septerée est une mesure agraire basée sur la semence) – le dit clos estimé à 50 livres de revenus – et le droit de passage affermé à François DONNADIEU pour la somme de 288 livres ( en diminution de laquelle on doit lui fournir les barques nécessaires )
Le dit Conseil autorise les officiers  municipaux à faire des soumissions pour l’acquisition du dit bien de Saint-Projet. »
Situation du Hameau de Saint-Projet-le-Désert sur la Dordogne

Transcrivons ici simplement le registre du Conseil Municipal de Neuvic :

 » Ce 11 Février 1791 ont comparu au greffe de la Municipalité de Neuvic: le sieur François VEYRE et le frère JOURDA, religieux de la Communauté de Saint-Projet, lesquels ont déclaré persister à vouloir mener la vie commune et n’avoir rien pris ni partagé des effets de la dite Communauté. « 

Le même jour comparut le gardien ( ou supérieur), Jean-Jacques SAINT-RAMES, qui déclara vouloir vivre en son particulier. Il ne semble pas que les deux autres pères aient répondu à la convocation de la municipalité.

Quoi qu’il en soit, privés de leur supérieur, chassés de leur couvent, les moines se dispersèrent. Le domestique resta huit jours encore,puis rentra chez lui. On ne sait ce que devinrent les religieux.

Les bâtiments, les près et les bois du couvent furent adjugés pour la somme de 13 mille francs et le droit de passage de la Dordogne pour la somme de 6 mille francs. Le tout fut acquis par les dénommés CHASTEL ( inconnu), ANGLARD, VEYSSIERE ( inconnu) et DUNIOL ( inconnu). La vente fut passée à USSEL.

Les nouveaux propriétaires du monastère s’entendirent pour diviser entre eux leur acquisition. Mais ils ne voulurent pas partager l’église et ils la conservèrent en commun. Chacun prit une partie des jardins et des bâtiments, en se demandant bien comment ils pourraient être utilisés, vu leur mauvais état.

Quant au « droit de barques » ou de péage qu’ils avaient acheté , affermé à la famille Donnadieu, il fut  enlevé en 1835 parle Gouvernement qui le confia à l’administration se Contributions Indirectes. Puis on décida vers 1830 la construction d’une route et d’un pont sur la Dordogne.

En attendant l’exploitation de cette acquisition, le monastère à l’abandon fut envahi par les eaux en crue de la rivière à la fonte des neiges. Peu à peu les toitures s’endommagèrent et s’effondrèrent par places. Les portes mal fermées cédèrent sous la poussée des rôdeurs alors nombreux dans les forêts de la Dordogne. Une végétation envahit les jardins. Des murs se lézardèrent. Le cloître résista aux intempéries et il servit souvent d’abri aux vagabonds mais aussi aux prêtres réfractaires qui venaient se cacher dans ces solitudes. L’un d’entre eux a laissé jusqu’à nos jours un souvenir très vivant.

Il s’agit de l’abbé François de Sartiges d’Angle, né en 1764 et tout récemment ordonné au moment de la Révolution. Il prêta le serment constitutionnel, puis se rétracta et alla se retirer au Couvent de Saint-Projet. Il vécut là plusieurs mois, se nourrissant de poisson et de légumes, et ne sortant que la nuit pour porter les Sacrements dans les villages. Dénoncé, il fût arrêté. La mort de Robespierre lui rendit la liberté. Après la signature du Concordat en 1801 , l’abbé de Sartiges entra dans le clergé du diocèse de Clermont.

Et c’est là que l’affaire devient intéressante pour moi, car cet ANGLARD qui rachète une partie des biens du Couvent est membre de la famille de ma précédente épouse qui est originaire du Vent-Bas. Ce devait être Jacques ANGLARD qui résidait au Vent-Bas. Cela ne pouvait être les ANGLARD, fils de ce Jacques, propriétaires au moment du cadastre napoléonien, car à cette époque ils étaient enfants. Cette trouvaille renforce mon intérêt pour ce monastère. Et depuis cette découverte, je me suis lancé dans des recherches plus poussées.

Dans l’article ci-dessus émanant des Archives départementales, on peut lire qu’après la mise en eau du barrage de l’Aigle, les religieuses de Saint-Projet se sont repliées dans un premier temps à la COMBE NOIRE, situé sur la rive côté Cantal et ensuite ont été transférées aux Vaysses ( qui était un Couvent) à MAURIAC où d’après les documents que j’avais consultés il pouvait y avoir des archives concernant le Monastère de Saint-Projet.

J’ai donc écrit à cet établissement pour savoir si des documents existaient concernant la congrégation des « Petites Sœurs des Malades) qui séjournaient précédemment à Saint-Projet.

Quelques temps j’ai eu la joie de recevoir un petit paquet de la part de Sœur Irène des Vaysses, responsable de ce lieu. Le contenu de ce paquet  m’a surpris agréablement. Joints à un courrier très chaleureux, il y avait deux ou trois ouvrages concernant la vie de ce fameux Père SERRES, créateur de la Congrégation des Petites-Soeurs des Malades. J’étais comblé.

J’ai dévoré ces ouvrages en très peu de temps et j’ai pris connaissance et de l’histoire de ce Monastère perdu sur les rives de la Dordogne mais aussi du quotidien de ces jeunes filles qui avaient choisi de se retirer dans cet endroit perdu dans les Gorges de la Dordogne. D’ailleurs à cette époque- là ce site s’appelait Saint-Projet-le-Désert ……..

Je décidais d’entrer en relation avec Sœur Irène. Nous avons pris rendez-vous, pendant une période où je séjournais dans ma maison corrézienne, pour aller à Mauriac et la rencontrer.

Cette entrevue a été d’une importance capitale pour faire avancer mes recherches. Au cours de celle-ci, Sœur IRENE m’a fait visiter la bâtiment des VAYSSES. Cela m’a permis d’apercevoir des documents, photos concernant le Monastère puisque la plupart des restes du Monastère avaient été transférés aux Vaysses après le départ des Sœurs de Saint-Projet lors de la mise en eau du Barrage. J’ai pu voir les vitraux du Monastère , l’autel, la chaire, des boiseries en un parfait état. J’ai également pu prendre connaissance de nombreuses photos de l’intérieur du Monastère ainsi que des photos relatant la vis des Petites Sœurs de Malades quant elles résidaient à Sain-Projet.

J’ai obtenu de Sœur IRENE que je puisse revenir pour photographier tous ces documents lors d’un prochaine rencontre.

Pont de SAINT-PROJET construit en 1830

J’ai fait des recherches aux Archives Départementales de Corrèze qui m’ont permis de trouver les précisions suivantes. A partir du Cadastre Napoléonien, j’ai pu recenser les personnes qui s’étaient rendues propriétaires des bâtiments ainsi que des morceaux de terrains, friches, bois taillis après la vente des biens nationaux de Saint-Projet. Sur ce cadastre , il n’y a que comme bâtiment en dur: quatre « masures » et 5 maisons plus le bâtiment ou tout au moins ce qu’il en reste du Monastère. Il y a bien sûr plusieurs propriétaires de pacages, de taillis, de prés. Mais en ce qui concerne les bâtiments proprement dits je n’ai trouvé que cinq propriétaires :

Jean LARCHER propriétaire d’une maison(parcelle 1080); Claude ANGLARD propriétaire d’une maison ( parcelle 1085) ; Pierre ANGLARD propriétaire d’une masure ( parcelle  1094) et d’une maison ( parcelle 1098); Henry ANGLARD propriétaire d’une masure ( parcelle 1095) et d’une maison (parcelle 1099); Etienne CHASTELOU propriétaire d’une masure ( parcelle 1096) et d’une maison ( parcelle 1097).

En ce qui concerne les ruines du Monastère, il est précisé que ces bâtiments étaient la propriété d’Henry ANGLARD, Pierre ANGLARD et Etienne CHASTELOU.

Toutes ces personnes étaient du VENT-BAS. Les trois ANGLARD faisaient partie de la même famille.

Claude et Henry Pierre étaient frères , étaient nés au Vent-Bas. Leur père Jacques était domicilié au Vent-Bas. Ce sont ses trois fils qui apparemment se sont installés à Saint-Projet et ont crée chacun une famille.

Henry ANGLARD ( 1789-1852) est mentionné sur les actes d’état civil ( témoins sur divers actes) comme Cultivateur Cabaretier à Saint-Projet. Il s’est marié à Neuvic le 06 février 1825 avec JULLIEN Catherine. Ils ont eu neuf enfants ( Pierre 1826- 1907), François (1834- 1919), François ( 1835- ?),Anne ( 1835-?), Légère ( 1837-1859), Antoine ( 1841-1923), Pierre ( 1844-?), Légère ( 1847- ?), et Anne ( 1853-?). Il semble qu’il y ait un problème sur les dates de naissance d’un François né en 1835 et une Anne née un mois plus tard. J’ai pourtant vérifié les actes de naissance : ils sont portés tous les deux nés en 1835 (?). Il semble que ces enfants soient restés à Saint-Projet sous réserve de vérification.

Claude ANGLARD , frère d’Henry, (1796-1869) est mentionné également comme témoin dans divers d’actes civils avec comme profession Cultivateur et Cabaretier. Il semblerait s’être marié à trois reprises ( à vérifier). Sa troisième épouse était Marguerite BOULADOUX ° 1802 à Neuvic. Ils auraient eu quatre enfants : Catherine ( 1828-1899), Jeanne ( 1830- 1907), Jean ( 1835- 1923), et Henry ( 1839-1899). Celui-ci semble être resté à Saint-Projet et est mentionné comme Aubergiste et Fabricant de bateaux. Les autres enfants semblent s’être mariés ailleurs qu’à Saint-Projet.

Le troisième ANGLARD, propriétaire à Saint-Projet, fils de Jacques aussi était Pierre ( 1762-1820).

Je n’arrive pas à trouver exactement quel est le premier ANGLARD qui s’est installé à Saint-Projet. Peut-être ce Pierre qui était l’aîné. Mais il semble qu’il ne soit pas resté longtemps à Saint-Projet car je ne trouve qu’un seul de ses enfants né à Saint-Projet.

En tout cas ces trois familles ANGLARD ont eu en tout dix-huit enfants nés à Saint-Projet. Avec quelques autres familles qui y demeuraient sur lesquelles je n’ai pas poussé de recherches, le hameau de Saint-Projet comptaient plusieurs dizaines d’habitants pendant la moitié du 19ème siècle alors qu’en 1790 au moment de la vente de Saint-Projet il n’y avait aucun habitant semble-t-il.

Les propriétaires se découragèrent devant cet état d’abandon. Seule la famille ANGLARD continua à habiter la partie du monastère la mieux conservée… Ce coin de la Dordogne était revenu à l’état sauvage. Peu à peu les ronces et les broussailles envahissent le sol défoncé et cultivé par les moines.La forêt gagne à nouveau ce qu’elle avait perdu dans le passé. Du couvent ne demeure qu’un logement habitable, celui qu’occupe la Famille ANGLARD… Le reste n’est qu’un amas de décombres où gitent vipères et rats. Des branches poussent partout. Seules les robustes arcatures du cloître ont résisté. La voûte de l’église s’est effondrée en partie.Sur le pavé disloqué poussent des herbes folles. Le clocheton s’est écroulé en 1794. Il y a encore autour de ces ruines quelques lopins de terre plus ou moins cultivés. Plus tard, lorsque sous la main de fer de Napoléon 1er, le calme fut revenu, quelques pauvres gens utilisèrent les pierres arrachées à ces ruines pour construire quatre ou cinq maisons d’aspect minable. Cette situation dura jusqu’en 1830, où fut décidée la construction d’une route carrossable et d’un pont.

Mon épouse et sa mère à SAINT-PROJET

En 1864, le Comte et la Comtesse d’Ussel désirèrent établir une paroisse pour cette partie abandonnée de la vallée. Pour réaliser ce dessein, le Comte acheta l’église et la fit recouvrir de chaume. Puis, fort de l’appui de M. de Parieu, il demanda à l’évêque un curé résident. Mais cet évêque ne voulut pas démembrer la paroisse de Neuvic et refusa d’accorder un prêtre pour cette paroisse projetée. Le Comte d’Ussel tenait cependant à conserver l’église des Franciscains. Les quelques habitants de Saint-Projet et ceux qui vivaient dans les villages en amont et en aval partageaient ce désir. On organisa des quêtes, des corvées de bois, et on déblaya l’intérieur de l’édifice. Les murs furent blanchis, les fenêtres munies de vitres. On releva l’autel principal, et le 26 juillet 1864, le curé de Neuvic, M. MARCHE, bénit l’église et y célébra la messe. Comme cette église était franciscaine, l’indulgence de la Portioncule y demeurait attachée et l’évêque de Tulle permit qu’on y célébrât la messe le 2 août et le 4 octobre. Le comte et la comtesse d’Ussel entrèrent en relation avec les Franciscains de Limoges et leur supérieur, le Père BONAVENTURE, s’intéressa au projet de Saint-Projet, et vint y prêcher plusieurs fois à la grande joie des riverains.

Mais tout ceci n’était que du provisoire: une église à peine convenable, la messe deux fois par an. Le rêve du comte d’Ussel n’était pas encore réalisé.

Plusieurs années passeront avant que ne refleurisse sur ces bords de la Dordogne une vie religieuse stable et bien organisée.[…]

C’est encore la famille d’Ussel qui va essayer pour la seconde fois – et maintenant avec succès- de faire revivre Saint-Projet. Madame d’Ussel voulut , à défaut d’un curé, avoir à Saint-Projet une institutrice qui apprendrait au moins à lire et à écrire aux enfants et leur ferait le catéchisme.[…] Aucune des communautés contactées ne voulut exiler loin de tout centre et de tout secours religieux un de ses membres. Madame d’Ussel eut alors l’idée de s’adresser au Père SERRES.

Je consacrerai un chapitre au Père SERRES plus loin, car le personnage vaut bien que l’on s’arrête sur sa personnalité et son parcours extraordinaire. C’est grâce à cette démarche de Mme d’Ussel que le Monastère en ruines de Saint-Projet va reprendre vie, se développer de manière extraordinaire et apporter à partir de ce lieu retiré une vie dans cette contrée sauvage, perdue, loin de tout. Et tout cela  grâce à ce personnage extraordinaire qu’a été le Père SERRES, mais aussi au courage phénoménal des religieuses qui vont venir s’installer dans cette vallée profonde et rude.

Le Père SERRES connaissait le site de Saint-Projet. Il avait plusieurs fois , plus tard, raconté aux sœurs de Mauriac qu’étant élève au Collège il était venu avec des camarades pour visiter les ruines du couvent.Plus tard , étant aumônier de Notre-Dame de Mauriac , M.Serres était revenu sur ces bords de la Dordogne. Mais nous verrons cela plus tard.

En effet si nous reprenons les dates citées au-dessus, nous constatons qu’entre la date de la vente des biens nationaux ( 18 juillet 1790) achetés par les familles CHASTEL, ANGLARD, VEYSSIERE et DUNIOL, et l’acte d’achat du Monastère par l’Abbé SERRES , le 5 mars 1872, il n’y avait plus de moines ( les derniers sont partis en 1791 en refusant de prêter serment de fidélité à la Constitution civile – ils devaient être cinq ou six) et pas encore de religieuses, il s’est passé 80 ans.

A la proposition de la Mme la comtesse d’Ussel,

l’abbé SERRES répondit qu’il ne pouvait ouvrir une école à Saint-Projet, mais qu’il y fonderait avec joie une maison avec trois sœurs pour soigner les malades et faire le catéchisme, à condition qu’on veille bien lui céder la portion du couvent comprenant l’église, qu’avait achetée la famille d’Ussel. De la sorte le monastère renaîtrait à une vie nouvelle par ses soins. Madame d’Ussel accepta l’idée du bon Père et s’offrit même à faire des démarches nécessaires pour récupérer les autres parties du couvent achetées par quatre familles de la vallée. Après bien des difficultés on aboutit à une vente à Mme d’Ussel , de ces ruines,, des lopins de terre, et des jardins. L’acte fut passé le 5 mars 1872. Pour la somme de 13.000 francs (or), les ruines du couvent, l’église, les jardins et quelques prés devenaient la propriété de la Congrégation des Petites-Soeurs des Malades , et la famille d’Ussel donnait en outre 4.000 francs pour aider l’œuvre à ses débuts.

Mais pendant ces 80 ans d’absence de membres ecclésiastiques que ce soient moines ou religieuses, le Hameau de Saint-Projet se peuplait.

Au moment de la vente des biens nationaux, nous avons vu que plusieurs individus avaient racheté soit quelques masures et maisons, mais aussi des terrains, des prés…..

Sur le cadastre, nous trouvons comme propriétaires en dehors des cinq qui possédaient un bâtiment en dur ( maisons et masures) :

JAMEAU Pierre , chataigneraie, pacage, bruyère; RABIER Jean, taillis, bruyère; RAYMOND François, taillis, pré; BANIOL Jacques, taillis; RAYMOND Georges, pacage etc , mais c’était la famille ANGLARD qui possédait le plus de terres à Saint-Projet avec CHASTELOU Etienne.

LA NOUVELLE VIE DU MONASTERE:

Voici le Père SERRES propriétaire du Monastère et un propriétaire heureux car , disait-il, en 1872 : »Je rêvais à cette époque, une succursale de la Maison-Mère où nous pourrions recevoir les Sœurs malades et âgées, et où les novices passeraient quelques mois de l’année afin, dans cette solitude, de mieux se former à la vie spirituelle. J’avais déjà un plan en tête; mais lorsque le mot magique de Saint-Projet retentit à mes oreilles, tout fut dit et réglé. Là sera notre maison de retraite ».

Il avait eu, au temps de son enfance, l’occasion de visiter le couvent délabré et il avait, de façon étrange, pressenti le destin de ces vieilles ruines.

« Elève au Collège de Mauriac, j’étais allé un jeudi me promener avec des camarades sur les bords de la Dordogne. Nous visitâmes le vieux couvent , la vieille église, le cloître en partie démoli, et moi, tout à coup, plein d’une pieuse tristesse, et croyant voir, errants et plaintifs, les vieux moines que j’aimais tant, je m’écriai devant un de mes amis: « Mon Dieu, si on me donnait ces ruines, je les réparerai ! ».

A ce stade-là, il faut revenir un peu en arrière pour connaître les raisons qui ont poussé l’Abbé SERRES dans cette entreprise extraordinaire.

Retraçons rapidement la biographie du Père SERRES.

Né le 26 octobre 1827 à Marsalou, près Mauriac, diocèse de Saint-Flour.

Etudes au Collège de Mauriac de 1840 à 1848

En octobre 1848, entrée au Grand Séminaire de Saint-Flour.
Ordonné prêtre le 5 juin 1852 par Mgr Lyonnet, évêque de Saint-Flour.

Après son ordination est ordonné vicaire au Vaulmier, paroisse rurale des environs de Mauriac.

Le 4 fèvrier 1854 est nommé Vicaire à Cheylade, dans le doyenné de Riom-ès-Montagnes, où il reste une année, et devient ensuite vicaire au doyenné.

Le 2 Juillet 1856 il se rend au noviciat des Pères Jésuites à Vals, près du Puy. Son état de santé l’oblige à rentrer dans sa famille le 22 mars 1858.

Dès son retour, il fait un pélerinage à Notre-Dame de la Salette pour demander des grâces de lumière sur sa vocation.Il visite au cours de son pèlerinage de nombreux sanctuaires. Il fait notamment un long séjour à l’Abbaye Notre-Dame des Neiges, en Ardèche, pour y étudier la vie monastique. Arrivé à la Salette, le 28 avril 1858, il est de retour à Mauriac le 8 Mai.

Le 25 mai 1858, il est nommé Vicaire à Ally, gros bourg des environs de Mauriac, où il reste cinq années. C’est pendant cette période que, visitant les malades trop souvent abandonnés et privés de soins, il songe à fonder une Congrégation destinée à les soigner. Pour l’aider dans cette œuvre de charité, il trouve dans la paroisse sa première auxiliaire en la personne de Marie Lachaud, qui sera une collaboratrice d’une charité exemplaire.

Revenons au Monastère.

La tâche qui attendait le Père SERRES était immense . Que de ruines à restaurer ! Le Père en a laissé la description: « Des pans de mur hérissés de broussailles, comme des fantômes; des brèches, des crevasses, des gueules béantes; les pierres de taille enlevées des portes et des fenêtres; une grande partie des toits couchés à terre; des poutres brisées, dressées comme des mâts de navire à demi engloutis; partout des décombres où poussaient des mousses, des ronces et des arbustes. Seule la construction tenait debout; encore n’était-elle pas habitable? Ses vieux toits bosselés, lézardés, servaient de retraite aux chauves-souris; on les vit s’envoler pat nuées quand on enleva les tuiles …… »

Le Père SERRES est donc à pied d’œuvre. Son rêve va se réaliser. Sa joie qu’il ne peut contenir, éclate dans ses lettres, dans ses notes personnelles, dans ses conversations. Mais maintenant il ne s’agit pas de rêver, il faut restaurer. Il faut rebâtir.

Abbaye de Saint-Projet

Il y aurait eu dans les Archives du Monastère des Vaysses de Mauriac ( je dis « il y aurait eu » car il m’a été dit que ces archives n’existaient pas ?????) un document extrêmement évocateur et aurait concerné un « Etat du monastère à la prise de possession en 1872″écrit par le Père SERRES

 » L’Eglise restaurée ( par M. d’Ussel) en 1864 était couverte en chaume. Les murs seuls du côté Nord étaient crépis. L’intérieur avait été blanchi.Le pavé de la nef et des chapelles étaient tout crevassé, bouleversé, en partie détruit. L’humidité, malgré la charpente et le couvert de chaume, perçait partout et la mousse verdâtre se voyait à divers endroits.La plupart des carreaux étaient cassés. Les meneaux des croisées avaient été détruits. La petite porte du cloître, échappée de ses gonds, était à terre.Une chaire d’une dimension disproportionnée était placée à l’angle de la chapelle nord, au commencement de la nef: c’étaient des planches simplement ajusté&es et hissées sur des barres de fer adhérentes au mur. les autels de pierre, énormes et massifs, étaient passés en couleur et surmontés de quelques statues. IL y avait à la sacristie une mauvaise chasuble, une aube, six chandeliers….En certains endroits la paille du couvert avait été enlevée . Les cloîtres étaient en ruines: cinq colonnes seulement étaient debout. ANGLARD (un des propriétaires) avait installé une cave. Les voûtes de la partie du Midi étaient couvertes en tuiles. Le préau et le cloître étaient comblés de décombres. Il y avait des arbustes sur les pans de murs écroulés; sur la voute de la chapelle, des cerisiers sauvages, des noisetiers, des groseilliers. Les enfants montaient sur les voutes pour manger les groseilles. Le cimetière n’existait plus. La place devant l’église était partagée en trois jardins. La partie orientale du couvent habitée par la famille ANGLARD était bonne -la partie occidentale en partie ruinée. Dans le corridor de l’étage quelques boiseries existaient encore. Trois cellules étaient intactes…..Le souffle du démon avait passé par là. SAINT-PROJET était une gloire tombée; plus rien ne chantait en dehors des cris des enfants, plus d’autre poésie que la vallée. C’était une harmonie disparue… »

En dehors du fait qu’il était tombé  » amoureux » de ce site par son emplacement, son silence, sa quiétude, il se réjouissait encore plus du bien qui allait en résulter pour les âmes..

 » La restauration de cette antique maison de Dieu, je le regarde , mes filles, disait-il aux religieuses de Mauriac, comme une grâce insigne du Seigneur, à l’égard de ces populations des bois, éloignées de toute église et par conséquent, privées de sacrements, de messe et de paroles évangéliques. Comment faire quatorze kilomètres pour aller à Neuvic, leur paroisse, et quatorze pour revenir ? C’était à peu près impossible pour les femmes, les enfants et les vieillards Aussi ces pauvres gens n’assistaient à la messe qu’une fois ou deux par an; encore beaucoup n’y allaient jamais; ils en perdaient l’habitude. De plus , pas d’école pas d’école pour les enfants; jugez quels pouvaient être leur développement intellectuel, et leur culture morale. Ils ignoraient le catéchisme, même après avoir fait leur première communion. J’ai trouvé un jeune un jeune homme de vingt-deux a qui ne l’a pas faite. Enfin, Dieu a eu pitié de ces pauvres gens; ils auront désormais une église, une école, des Sœurs et un prêtre, pour leur enseigner les vérités de la foi ».

Aussitôt commencèrent les réparations, gros travail qui devait durer plusieurs années. Mais comment faire ? Avec quels moyens ?

(Hélas, comme je l’ai dit plus haut, Sœur Irène m’a affirmé qu’il n’existait aucune archive sur le Monastère aux Vaysses. Il doit y avoir un endroit où se trouvent des documents concernant ce Monastère, alors que dans les différents écrits du Père SERRES il évoque les sommes reçues, différents documents concernant l’activité des religieuses. Il existe même un livre écrit par les sœurs des Vaysses qui reproduit certaines lettres envoyées aux religieuses par le Père SERRES lorsqu’il était en déplacement dans d’autres Communautés qu’il avait crées. Où sont ces archives ?)

Quatre ou cinq religieuses des Vaysses de  Mauriac vinrent habiter la partie la moins délabrée du couvent. Elles arrivèrent avec un char de paille pour la literie, et un matelas, qu’on réservait au Père.

 » Je commençai par les toitures. Arbres, chaux, sable, pierres, tout fis en mouvement par les menuisiers, les charpentiers, les scieurs de long, qui arrivèrent tous en même temps. Les  Sœurs et moi hâtions de nettoyer les lieux vidés par les propriétaires, à jeter hors du cloître. Autour de les décombres, à démolir certains murs construits récemment, pour rendre au Monastère son ancienne régularité. Nous allions tirer le sable à la rivière, fondre la chaux, ramasser les pierres et les mettre à la portée des maçons…..     ce fut tout l’hiver et l’été suivant, un mouvement d’essaim d’abeilles laborieuses et empressées « .

Les abeilles n’étaient pas toujours les mêmes: il y avait un va-et-vient entre Mauriac et Saint-Projet: chaque groupe faisait sa semaine. Maintes gens trouvaient ces corvées excessives. Bien que la région soit de mœurs rudes et qu’on y ait l’habitude de voir la femme manier la bêche dans les champs, plusieurs s’émurent des pénibles travaux auxquels se livraient les religieuses de Saint-Projet et crièrent au scandale. La presse s’en mêla, grossissant les faits, comme d’habitude, s’apitoyant des Petites-Soeurs, » ces galériennes mal nourries et condamnées aux travaux forcés ».  De plus une singulière pratique de la vie religieuse que de se consacrer à démolir de vieux murs, à porter des pierres et du mortier ! Tous ces bruits répandus dans l’Auvergne et le Limousin au point d’inquiéter les parents, sur le sort de leurs filles. Ce beau tapage tomba rapidement; rien ne fut changé; les Sœurs continuèrent à travailler et le Père à piocher.

Respectueux du passé jusque dans ses moindres détails, le Père SERRES tint à conserver le plan du couvent. Les cellules demeurèrent les mêmes, comme le cloître, le préau et la chapelle. Il fit cependant égaliser le sol autour de l’église et restaurer le mur d’enceinte.

Il y a un certain temps une personne ( Monsieur MORICE François que je remercie chaleureusement) qui s’est intéressée à l’Abbaye de Saint-Projet m’a contacté pour me dire qu’il possédait certains documents concernant cette Abbaye. Il m’a fait parvenir un plan qu’il avait trouvé dans ses archives : celui du confessionnal de l’abbaye.

Plan du Confessionnal de l’Abbaye Saint-Projet

La dernière construction fut celle du Cimetière.

« Nous avons bâti la maison du temps, disait le bon Père Serres en 1880, il faut bâtir la maison de l’éternité. Chacune apportera sa pierre et creusera sa tombe…Notre cimetière, nous voulons le bâtir sur les bords de la Dordogne, tout prés du ruisseau de La Tronche, à l’ombre d’un rocher. Là vous vous plairez à écouter le bruit des grandes eaux et le murmure des bois. là viendront prier, sur votre tombe, les futures générations de nos Sœurs, qui se succéderont à St Projet.. Et puis la Dordogne qui aime, vous le savez, à gronder, à gémir, à pleurer, dans nos rochers et nos forêts, vous chantera, en passant, un de Profundis éternel ».

Mais avant sa construction , on relève dans les Archives plusieurs avis de décès de religieuses qui n’ont pas eu le »bonheur » de profiter de cette demeure éternelle.

– le 19 juillet 1873, décès de Catherine ROUFFIANGE, 22 ans , native de Chalvignac (15), fille de Guillaume – en ce moment en Belgique- et de Elizabeth Maisonneuve, domiciliés au lieu-dit Les Doumis. Elle tétait née le 31 octobre 1841 à Chalvignac ( NMD Chalvignac 15 – 1825-1867 – page 158/159). Témoins : ANGLARD Pierre, cultivateur, 47 ans domicilié à St Projet, fils d’Henry, aubergiste à St Projet – ANGLARD Henry, cultivateur, 34 ans domicilié à St Projet, fils de Claude ,Aubergiste, Fabricant de bateaux.
– le 4 janvier 1875, décès de Rose BERTRAND, 45 ans, fille de Pierre et de Bournazel Catherine                                                                                                                                                  Témoins : ANGLARD Pierre, Propriétaire, 51 ans, domicilié à St Projet .
.- le 3 février 1875, décès de Jeanne LACHEZE, 27 ans, fille de Jean et de Marie Roussange                        Témoins : ANGLARD Pierre , Propriétaire, 51 ans, demeurant à St Projet.
– le 13 avril 1875, décès de Elisa CHANNET, 24 ans, , native de Rouffion, commune du Falgoux ( Sœur Léonie), fille de Jean et de Marie Gaillard, domiciliés commune du Falgoux.                                                                                                  Témoins : ANGLARD Henry, agriculteur; 35 ans domicilié à StProjet – ARFEUILLERE François domicilié à StProjet.

Extraits « Le Bon Père SERRES » de Joseph THOMAS . Page 161 nous trouvons un passage dans lequel Joseph THOMAS reproduit un texte du Bon Père SERRES concernant les décès de Sœur Léonie mais aussi de Sœur Germaine (voir plus loin).

« Moins gaie de caractère (que Sœur Germaine), Sœur Léonie possédait une vertu peut-être plus solide. En^proie à d’atroces douleurs, que les médecins ne parvenaient pas à calmer et qui durèrent dix-huit mois, elle ne laissa jamais pousser une plainte ou un murmure. Elle poussait la mortification au plus haut degré et, tandis que Sœur Germaine, avec une simplicité d’enfant, de laissait gâter par le Bon Père, Sœur Léonie s’interdisait tout ce qui pouvait flatter son goût et allait au-devant de la souffrance.  Toujours, d’ailleurs, elle avait été un modèle d’obéissance, d’humilité , de mortification.
Elle reçut à Saint-Chély,une faveur extraordinaire et ceux qui la connaissaient intimement n’en furent pas étonnés. Un dimanche de la Fête Dieu, on devait aller veiller un mort. La corvée était dure aux religieuses, qui désiraient beaucoup assister à la procession. Sœur Léonie s’offrit ; de la fenêtre, elle verrait passer le Saint-Sacrement. Cela lui suffisait. Or, elle rentra à l’ermitage  toute émue, avec des yeux rougis par des larmes –  » Qu’avez-vous? Qu’est-il arrivé ?- Je ne puis pas le dire » . On insiste et elle finit par avouer qu’au passage de l’Hostie, le Sacré Chœur s’était montré à elle, dans l’ostensoir et, sur une banderole, elle avait lu cette double invocation ; »Que partout soit aimé, béni et adoré le sacré Chœur de Jésus! Que partout soit aimé, béni et honoré le Chœur Immaculé de Marie! »; La mort de Sœur Léonie, continue le Bon Père SERRES, a été, comme sa vie, édifiante et pleine de choses saintes; ce fut un triomphe et un couronnement. Toutes les sœurs qui ont vu, à l’infirmerie, ces deux malades ( avec Sœur Germaine) n’en perdront jamais le souvenir. C’était un parfum de sainteté qui s’exhalait d’elles ».
– le 25 novembre 1877, décès de Marie VIGIER,26 ans , née le 9 juillet 1851 à Chavagnac 15 , (Sœur Germaine), fille de Antoine et de Elise Gautier de Chavagnac.                            Témoins : ANGLARD François , 38 ans, aubergiste à St Projet – ANGLARD Pierre, 50 ans, demeurant à St Projet.
– le 21 juin 1879, décès de FAU Marie, 36 ans, native de Laroquebrou 15,  fille de Jean et de Seyries Jeanne de Laroquebrou 15.  Témoins : ANGLARD Pierre Cultivateur à St Projet , 52 ans et de ANGLARD Henry, Cultivateur à St Projet 39 ans.
– le 19 juillet 1879, décès de DELPUECH Marie, 36 ans, née à Antignac 15, fille de Jean-François et de Jeanne Rousselle, de Antignac.                                                                                         Témoins : ANGLARD Henry, 540 ans, aubergiste à St Projet – CHANTEREINE Guillaume, Cultivateur à St Projet.
– le 15 septembre 1880, décès de CLEMENT Catherine, 27 ans,  ( Sœur Flavie), née dans la commune d’Andelat 15,  canton de Saint-Flour, fille de Bertrand et de  Marie Jourde . Témoins: ANGLARD Henry, Cultivateur, 40 ans , domicilié à St Projet – CHANTEREINE Guillaumez, , rentier, 67 ans , domicilié à St Projet.
  -le 4 juillet 1881, décès de BAGESSE Marguerite, native à Ally 15, ( Sœur Emmanuelle) fille de Jean-Baptiste et de Marie C…. d’Ally 15 .                                                                              Témoins : ANGLARD Antoine, Aubergiste à St Projet 37 ans et CHANTEREINE Antoine, Cultivateur à St Projet.
Sœur Emmanuelle fut la première sœur a être enterrée dans le nouveau cimetière.
Extraits  » Le Bon Père SERRES » par Joseph THERMES »:
Ce fut une petite novice qui étrenna le nouveau cimetière. Elle mourut le 4 juillet 1881 et son agonie jeta le deuil sur le jour de saint-Jean-Baptiste, fête du bon Père.. En une page, pleine de fraîcheur , et jaillie de sa belle âme, il raconte cette douce mort : » A l’infirmerie, s’en allait peu à peu vers un autre monde, une jeune sœur, une pieuse novice, venue de loin, pour se donner à Dieu, au milieu de nous. Âgée de vingt deux ans, d’un caractère agréable et doux, d’un grand esprit de simplicité, elle aimait sa vocation, sa communauté et, ayant tout quitté, elle ne regrettait rien du monde, ni de ses joies. Elle souffrait beaucoup mais toujours avec résignation et pour l’amour de Dieu, tantôt désirant la mort, tantôt la redoutant, toujours soumise à la volonté du divin Maître. Voyant que son mal empirait et ne nous laissait plus d’espoir, je lui fis faire les vœux, quoiqu’elle n’eût pas les deux ans de noviciat. Elle m’avait demandé cette grâce avec tant d’insistances que j’aurais été cruel de ne pas lui accorder. Ainsi unie à,Dieu, par ces trois liens sacrés, préparée par ce dépouillement volontaire, purifiée par la douleur de ses petites fautes, munie de tous les sacrements, ornée du mérite de ses bonnes œuvres, car elle en avait tant déjà fait, cette chère enfant nous a dit adieu, ce matin, à quatre heures, un doux adieu, par un mélancolique regard qui a été le dernier…..
le 22 Novembre 1882, décès de Marie LOURADOUX, née à Viaux, canton de Bugeat (19), ( Sœur Désirée) ,fille de Antoine et de Bezet Marie. Témoins : ANGLARD Pierre, 55 ans, Cultivateur à Saint-Projet – ANGLARD Henry, 43 ans, Cultivateur à Saint-Projet.
-le 28 Décembre 1883, décès de PICARD Marie, 26 ans, ( Sœur Noémie), fille de Jean et de Brugere Jeanne. Témoins : CHASSAGNOUX Léonard, 62 ans, Cultivateur à Saint-Projet – ANGLARD Henri, 45 ans, Aubergiste à Saint-Projet.
le 23 Juin 1884, décès de DEMPRUN Louise Marie, 38 ans, ( Sœur Louise), fille de Charles et de Chauvet Antoinette. Témoins : ANGLARD Henri, Aubergiste à Saint-Projet, 50 ans – Et Madame la Supérieure des Sœurs de Saint-Projet.
le 28 Mai 1886, décès de GALVING Anna, 19 ans, née à Trizac, canton de Riom (19), ( Soeur Eusébie), fille de Pierre , Cultivateur et de Jouve Catherine à Trizac( 19). Témoins ANGLARD Henri, 45 ans, Aubergiste à Saint-Projet et de ANGLARD Pierre, 56 ans, Cultivateur à Saint-Projet.
le 05 Janvier 1886, décès de RIGAL Marie, 18 ans, née à Lescure, canton de Saint-Flour (15),  fille de François, Cultivateur à Lescure et de Delrieu Elizabeth. Témoins : CHANTERANNE Guillaume, 71 ans, demeurant à Saint-Projet et de GALTIER François, 33 ans, Menuisier à Saint-Projet.
le 21 Septembre 1887, décès de JULIEN Berthe, 27 ans, au domicile de M.Serres à Saint-Projet, née à Ste Croix( Lozère) fille de Auguste et de Dame Boisserole Clémence. Témoins : ANGLARD Pierre, 60 ans, Cultivateur et de ANGLARD Henri, 48 ans, Aubergiste à Saint-Projet.
-le 07 Juin 1889, décès de TALOU Elisa, 20 ans, née à Figeac (Lot), fille de Henri et de Niocel Sophie. Témoins : ANGLARD Henri, Cultivateur, 49 ans et de ANGLARD Pierre, Cultivateur, 70 ans.
-le 06 Décembre 1890, décès de BAYARD Marie, 26 ans, née à Saint-Privat (19), fille de Augustin, Perruquier et de Dame Vallon Catherine demeurant à Saint-Privat (19). Témopins : ANGLARD François, Cafetier, 55 ans et de ANGLARD Pierre, Cultivateur, 70 ans.
-le 05 Septembre 1890, décès de CHASTEL Julie, 32 ans, née à Lazac, Canton de Langogne (Lozère), fille de Joseph et de Sabadel Madeleine. Témoins:ANGLARD Pierre, Cultivateur, 75 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 46 ans.
-le 12 Juin 1890, décès de DOUSTHESSIER Françoise, 31 ans, née à Ussel (19), fille de François et de Farge Françoise demeurant à Ussel (19). Témoins : ANGLARD François, Cafetier, 55 ans et de ANGLARD Pierre, Cultivateur, 70 ans.
-le 20 Janvier 1891, décès de FAUCHER Anna, 35 ans, née à Condat (15), fille de + Pierre et de Noillac Antoinette demeurant à Condat (15). Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 70 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 50 ans.
-le 01 Août 1892, décès de CALASNIVES Camille, 18 ans, née au Puy ( Lot), fille de Isidore, vigneron et de + Bandis Pauline. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 71 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 71 ans.
-le 28 Juin 1892, décès de CIERLE Marie, 19 ans, fille + Jean et de Rougier Agnès demeurant à Paris (75). Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 71 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 51 ans.
-le 31 Août 1892, décès de COUDERT Marguerite, 21 ans, née à Lanobre (15), fille de + Michel et de Bernat Anne , cultivatrice demeurant à Lanobre (15). Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 71 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 51 ans.
-le 05 Mai 1893, décès de AURAND Marie, 32 ans, née à Landos ( Haute-Loire), fille + Pierre et de + Barthélémy Marie. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 72 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 52 ans.
-le 08 Mars 1893, décès de CHARREIRE Victoire, 30 ans, née à St-Iveury( Lozère), fille de + Jean et de Parens Justine, Demeurant à St-Iveury ( Lozère). Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 72 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 52 ans.
-le 18 Avril 1894, décès de GENESTIER Marie, 21 ans, née à Fournols (63), fille de +Jean et de Hoberiche Marie, demeurant à Fournols (63). Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 73 ans et de ANGLARD François, Propriétaire, 53 ans.
-le 31 Août 1894, décès de GRIMAL Marie, 57 ans, née à St-Blaise ( Lot), fille de + Joseph et de Baudy Françoise. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 68 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 62 ans.
-le 14 Mars 1895, décès de DELMON Marie, 32 ans, née à Vaurelle (Aveyron), fille de + Pierre et de Vergne Madeleine. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 68 ans et de ANGLARD François, Cafetier, 61 ans.
-le 30 Août 1895, décès de SOL Marie, 44 ans, née à Saint-Martin d’Anglards ( Lot), fille de + Pierre et de + Lescure Anne. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 68 ans et de ANGLARD François, 61 ans.
-le 4 Mars 1895, décès de VIZOT Clémentine Louise, 35 ans , née à Aubenas ( Ardèche), fille de + Jean et de + Boutet Clémentine. Témoins: ANGLARD François, Cafetier, 61 ans et ANGLARD Pierre, Cultivateur, 68 ans.
-le 27 Février 4897, décès de LAVIALLE Catherine, 61 ans, née à Barrac ( 15), fille de + André et de + Mathieu Catherine. Témoins: ANGLARD Pierre , Cultivateur, 71 ans et ANGLARD François, Propriétaire, 62 ans.
-le 22 Août 1897, décès de PRADEL Marie Jeanne , 24 ans , née à Cros-de-Montamat (15), fille de Pierre et de + Cambourieux Marie. Témoins: ANGLARD Pierre , Cultivateur, 71 ans et ANGLARD François, Propriétaire, 62 ans.
-le 28 Février 1898, décès de CHEZE Léonie, 23 ans, née à Corrèze le 01 Août 1874, fille de + Barthélémy et de Marouby Marie. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 70 ans et  ANGLARD François, Cultivateur, 66 ans.
-le 29 Septembre 1898, décès de LAJARRIGE Marie, 46 ans, née à Tournemire (15), fille de Antoine et de+ Marcenat Marie. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 71 ans et  ANGLARD François, Cultivateur, 67 ans.
-le 03 Septembre 1899, décès de VIGIER Marguerite, 37 ans, née à Cayrol (15), fille de + Jean et de + Marie. Témoins : JUILLARD Claude, Domestique, 34 ans et ANGLARD Pierre, 74 ans .
-le 26 Février 1901, décès de LAPORTE Françoise, 48 ans , née à Saint-Julien (19) le 25 Juillet 1852, fille de + Pierre et de + Jouve Françoise. Témoins: PETITOU Pierre, Cultivateur, 58 ans et MONANGE Jean, Cultivateur au Vent-Bas – Neuvic (19).
-le 09 Décembre 1901, décès de PETOT Séraphie, 50 ans, née à Ruffey ( Jura) le 18 Février 1851, fille de + Philippe et de Machet Anne Eugénie. Témoins: ANGLARD Pierre, Cultivateur, 75 ans et BAGNOL Jean, Cultivateur, 47 ans.

NOTES SUR LES DECES.

A partir de 1881, les religieuses qui décédaient étaient inhumées à Saint-Projet dans le cimetière du Couvent. Compte tenu du nombre de religieuses qui ont séjourné à Saint-Projet cela fait un nombre conséquent de sépultures, qui ont été abandonnées lors de la mise en eau du Barrage ce qui n’a pas simplifié les choses lorsqu’il a fallu prendre la décision de quitter le Monastère,  mais aussi pour les personnes qui demeuraient à Saint-Projet ainsi que pour celles habitant au Vent-Bas qui avaient la sépulture de leurs proches dans le cimetière de Saint-Projet.

J’ai pu relever les décès des religieuses jusqu’en 1901 dans les archives de l’état-civil, car après cette date Il n’y a plus de relevés numériques. Mais il y a eu beaucoup plus de décès de sœurs après cette date de 1901. Comme le Monastère était devenu la maison mère de la congrégation, il y avait beaucoup plus de religieuses qu’au départ.

Religieuses

J’ai pu par contre relever les listes des religieuses présentes au Couvent grâce aux listes de recensement.

Religieuses présentes au monastère de Saint-Projet inscrites sur les listes de recensement à partir de 1906 ( entre 1901 date des derniers décès recensés et 1906 date des  premiers recensements publiés aucune information ).

Recensement de 1906 : 22 religieuses présentes

ROCHET       Marie  39 ans née à Blond

DARS               Anna  48 ans née à St Privat

SABATIER  Marie  45 ans née à Fontanges

MOURET  Claire  48 ans née à Mauriac

RIGOT  Elizabeth  64 ans née à Riom

MAS  Antoinette  76 ans née à Argentat

SAUCARD  Jeanne  39 ans née à Corrèze

ISSALVIJ  Marie  53 ans

ESPINASSE  Antoinette  500 ans née à St Vincent

MAVIT  Eléonore  58 ans née à Figeac

MERLY  Lucie  55 ans née à Latourette

JOANNY  Pauiline   53 ans née à Salers

MEYNIE  Elizabeth  45 ans née à Villedieu

MONTEIL Marie 46 ans née à Dézezry

DUFAYET  Marie  46 ans née à Paris

BABEC  Marie 30 ans n&ée à Lunel

ARFEUILLE  Adrienne  22 ans  née à St Christophe

LAJARRIGE  Jeanne  40 ans  née à Larqueville

VIERS  Marie  55 ans née à Marcillac

BORNE  Elise  70 ans née à Sourniac

ROCHE  Marthe  60 ans née à Vejean

ESPINASSE  Françoise  78 ans  née à St Bonnet

Recensement de 1911 : 22 religieuses présentes

BARANDE  Marie née en 1858 à Riom

PAUCARD  Jeanne née en 1864 à Corrèze

CHUSTEL  Antoinette née en 1841 à Saint-Vincent

PIGOT Louise née en 1842 à Riom

BORNE Elise née en 1841 à Sourniac

VIER Marie née en 1850 à Sourniac

DUFAYER Marie née en 1859 à Paris

CHANUT Antoinette née en 1841 à Trizac

LASCOUT Elise née en 1864 à Maurs

ESPINASSE Augustine née en 1833 à Saint-Bonnet

LAGARRIGE Jeanne  née en 1853 à Laroquevieille

MAS Antoinette née en 1839 à Argentat 19

VERRIERE Marie née en 1850 à Aubin

JOANNY Pauline née en 1853 à Saint-Chamat

DANGEVIN Célecstine née en 1854 à Melair

MONTEIL Marie née en 1858 à Saint-Angle

MALMBEC Jeanne née en 1853 à Ussel 19

MAURET Claire née en 1857 à Mauriac

DARCHE Anna née en 1857 à Hautefarge

GRACIERE Marie née en 1871 à Vicq

MEYNIE Maarie née en 1859 à Villedieu

RAOUX Alphonsine née en 1835 à Trizac

Recensement de 1921 : 29 religieuses présentes

COUNORD Mélanie née en 1873 à Saint-Vincent ( Mère supèrieure)

MONTOURSY Marie née en 1854 à Lavesserrette

CLEMENT Marie née en 1856 à Andelat

FOUR Eugénie née en 1860 à Cunchat

MEYNIER Marie née en 1860 à La Villedieu

DARCHE Anna né&e en 1855 à Hautefarge

PAUCARD Jeanne née en 1866 à Corrèze

LEFLOCH Julie né&e en 1870 à Quintin

GRATION Marie née en 1871 à Vieillevie

DUFAYET Marie née en 1859 à Paris

LASEROUX Elisa née en 1864 à Rouzier

PIGOT Elizabeth née en 1842 à Riom

GUY Marie née en 1853 à Mariolis

SOLILHET Marguerite née en 1868 à Saint-Bonnet Elvert

VIER Marie née en 1851 à Massiac

CHAUSSON Marguerite née en 1843 à Loupiac

RAOUX Jeanne née en 1835 à Trizac

JARRIGE Marie née en 1850 à Laroquevieille

LAYRI Jeanne née en 1839 à Saint-Jal

FAURIE Jeanne n&e en 1862 à Saint-Bonnet Elvert

CHASTEL Antoinette née en 1841 à Saint-Vincent

THIBAUT Anne née en 1841 à Lezoux

TESTU Clarisse née en 1887 à Blanac

BORNE Elizabeth née en 1837 à Sourniac

VIGNAL Pétronille née en 1843 à Auzers

NEUVILLE Marie née en 1882 à Corrèze

MOISSET Marie née en 1855 à Saint-Urcize

FAUCHER Marie née en 1846 à Mauriac 15

Recensement de 1926 : 28 religieuses présentes

MERPILLAT Alexandrine née en, 1844 à Corrèze

SOLEIBET Marguerite née en 1868 à Saiint-Bonnet

ESTORGES Amédée née en 1872 à Tulle 19

GRATIO Maria née en 1871 à Vieilleville

LAFONT Marie née en 1888 à Glémet

LOUIS Marie née en  1860à Murat

PLAU Anne née en 1863 à Saint-Pripat

POUCARD Jeanne née en 1864 à Corrèze

LABORIE Marguerite née en 1873 à Figeac

LASEROUX Elizabeth née en 1864 à Rouziers

LEFLOCH Anne née en 1870 à Quintin

MAURET Claire née en 1851 à Mauriac 15

MONTOUREY Marie née en 1854 à Besse?

DARCHE Marcelle née en 1887 Hautifage

LAUGERON Geneviève née en 1855 à Ussel 19

DUFAYET Marie née en 1859 à Paris

CHABRIER Anne née en 1866 à Valette

FOUR Eugénie née en 1860 à Cunlhat

FAUCHER Eusébie née en 1846 à Mauriac 15

CHASTEL Brigitte née en 1846 à Saint-Vincent

CLEMENT Berthe née en 1856 àn Dendelot

PAURIC Jeanne née en 1862 à Saint-Bonnet

PIGET Elizabeth née en 1842 à Riom

MONTY Céine n »e en 1861 à Montpallent

MONTRICHAUD Marinette née en 1886 à Rochechouart

MONBOIS Céleste née en 1868 à Cayrol

FOURNET Urbaine née en 1869 à Collonges

Recensement de 1931 : 33 religieuses présentes

Recensement de 1936 : 22 religieuses présentes

Donc une population relativement importante . Et en même temps, le hameau de Saint-Projet voyait l’installation de la population civile augmenter.

Au départ nous avions relevé trois ou quatre propriétaires qui avaient acquis quelques terres et une partie du Monastère. Mais si nous consultons également le recensement des habitants du hameau à partir des listes de recensement, nous constatons en plus des religieuses:

Recensement de 1906 : 40 personnes domiciliées dans le hameau

Recensement de 1911 : 29 personnes domiciliées dans le hameau

Recensement de 1921 : 39 personnes domiciliées dans le hameau

Recensement de 1926 : 29 personnes domiciliées dans le hameau

Recensement de 1931 : 27 personnes domiciliées dans le hameau

Recensement de 1936 : 21 personnes domiciliées dans le hameau

Ci-dessous un document publié dans « La Montagne du 5 mai 2013, rédigé par Yveline DAVID . Récit d’une personne de la famille LAMARCHE qui était domiciliée à Saint-Projet-le-Désert:

Expropriée lors de la mise en eau du Barrage de l’Aigle, la famille de Rolande Lamarche est venue s’installer à Mauriac. Souvenirs.

L’auberge « RAYMOND L’AUBERGISTE » située sur le côté Cantal de l’ancien de Pont de Saint-Projet
Lorsqu’elle parle, de sa voix douce et flûtée, de la rivière, elle n’hésite pas à évoquer « sa » Dordogne. Comment pourrait-il en être autrement ? Elle naît en 1935 à Saint-Projet-le-Désert, village séparé par le cours d’eau, moitié en Cantal, moitié en Corrèze. C’est sur cette partie Cantal que les siens sont installés, seuls habitants de cette rive, propriétaires d’un restaurant à l’enseigne de « Robert L’aubergiste », de deux maisons et d’une grange. « Mon arrière grand-mère tenait déjà l’affaire, se souvient Rolande Lamarche. C’était un ancien relais de poste ».
De l’autre côté du pont, plusieurs familles demeurent : les Bordes, marchands de bois, les Reversac, entrepreneur en travaux publics ou les Ternat, pêcheurs possédant un vivier qui approvisionne l’Auberge. Et puis, il y a le couvent, restauré après 1872, par le Père Serres et qui abrite la Maison Mère des Petites Sœurs des Malades. « Elles tenaient le rôle de médecin, surtout Sœur Saint-Maurice » se souvient la retraitée. R de plus normal puisque la congrégation avait pour mission première d’être garde-malades.
C’est la fin d’un monde….
Alors que le barrage s’élève au Rocher de l’Aigle, des ingénieurs investissent Saint-Projet pour y construire le pont suspendu que l’on connaît aujourd’hui. De fait, l’ancien sera prochainement englouti sous la retenue.  » J’ai vu tendre le premier câble, ajoute Rolande Lamarche. Des baraquements avaient été construits sur la rive et il y avait de l’animation dans le village ». Des étrangers, essentiellement, les hommes du cru ayant été mobilisés en 1939.
L’année suivante, la débâcle lance un grand nombre de français sur les routes et la petite fille, de 5 ans alors, en retire sans doute l’un de ses premiers souvenirs d’enfant.  » Tous ces gens qui traversaient le pont avec des carrioles ou des voitures. C’était tellement triste. On a donné tout ce qu’on a pu ».
Il n’y a pas d’école à Saint-Projet et c’est chez sa grand-mère maternelle à La Forestie qu’elle vit le plus souvent, fréquentant l’école de Bellaurides et ne rentrant chez elle que pour les grandes vacances. La Dordogne lui manque, son doux murmure, ses rives ornées de pommiers, de cerisiers, de châtaigniers mais aussi et surtout les femmes qui cons
Ruines de l’Abbaye lors d’une vidange du Barrage
tituent sa sa famille: la mère, la grand-mère et l’arrière grand-mère. « C’était un beau village et nous y étions heureuses ». Un bonheur pourtant condamné à court terme.
La vie commence à changer quand, en septembre 1943, les Petites Soeurs des Malades quittent le couvent pour s’installer aux Vaysses à Mauriac. « cela a enlevé beaucoup,de monde d’un coup » déplore la retraitée. Mais le glas de Saint-Projet sonne vraiment en décembre 1944. « Sur la Rhue, le barrage de Coindre a subi une crue et a relâché sur Marèges, explique Rolande Lamarche.Marèges a eu peur et a lâché sur l’Aigle ». Ce dernier, inachevé, ne peut louer son rôle et, pendant deux jours, l’eau monte, submergeant Saint-Projet et obligeant ses habitants à une retraite salvatrice. C’est la fin d’un monde. Les flots retirés laissent le village exsangue et les maisons inhabitables.  » Personne n’a plus jamais vécu à Saint-Projet » regrette la vieille dame. Et son père, à son retour de captivité en août 1945, découvre un paysage de désolation. La petite population du village n’aura pas eu le temps de profiter des derniers flots de la Dordogne.

EN CE QUI CONCERNE L’AMENAGEMENT JE REVIENDRAI COMPLETER CE PASSAGE PLUS TARD.

VERS LA FONDATION DES ¨PETITES SŒURS DES MALADES ».

En visitant les malades, dans les paroisses où il avait exercé son apostolat, l’abbé Serres avait été ému de l’abandon où souvent on les laissait et de la difficulté, de l’impossibilité parfois de trouver quelqu’un qui pût les soigner. En face de ce délaissement, de ces spectacles lamentables, de ces pauvres, dans leurs misérables réduits, grelottant de fièvre, privés de soins et de ressources, l »âme si bonne, si compatissante de l’abbé Serres ressentait une immense pitié,et, depuis longtemps il était poursuivi par l’idée de remédier à ce mal. c’était une véritable hantise, une impulsion irrésistible à entre prendre une œuvre nouvelle. De plus ,comment assurer aux malades les soins spirituels, qui préoccupaient davantage encore son âme de prêtre ?

Cette idée ne le quittait jamais.

Avant la Révolution, il y avait dans beaucoup,de villages de la Haute-Auvergne, de pieuses filles appelées « menettes » ( ce mot dérive sans doute de moine: moine, moinette et enfin menette). C’étaient de pieuses filles qui consacraient leur virginité, ne vivaient pas au couvent, et tout en restant dans leurs familles avec leurs parents, faisaient profession de vie religieuse. Elles appartenaient tout de même à certains ordres religieux. Elles s’adonnaient moins à l’enseignement qu’aux œuvres de miséricorde; elles soignaient les malades, les vieillards, les infirmes, quêtaient pour les pauvres, visitaient les hôpitaux et les prisons.

Florissantes avant la révolution, dès le milieu du 19ème siècle elles devinrent plus rares.

L’abbé Serres pensa tout d’abord à relever les menettes en leur donnant une organisation nouvelle et en leur assignant un but plus précis.. Il; voulut resserrer et fortifier le lien qui les unissait care elles étraient éparpillé »es dans leurs familles, et étaient associées par paroisse ou par canton. Ce fut un échec qui ne découragea pas l’Abbé.

Le hasard lui fit faire une rencontre qui allait tout faire basculer: celle avec Marguerite-Marie LACHAUD.

QUI  ETAIT-ELLE ?

Nous avons vu le travail extraordinaire réalisé lors de la rénovation du Monastère de Saint-Projet par le Père Serres aidé par un groupe de religieuses de la Maison de Mauriac, mais il faut savoir que la Congrégation existait déjà depuis quelques années.

En effet, le Père Serres l’avait créée bien avant l’acquisition de Saint-Projet.

Lorsqu’il s’est retrouvé Aumônier de Notre-Dame à Mauriac, en 1863, il avait toujours dans sa tête son projet de créer une Congrégation pour soigner les malades. On lui bâtit un ermitage à côté de la sacristie qui était une bicoque et un modeste jardin.

Presque aussitôt  » Dieu amena au futur fondateur plusieurs jeunes filles qui se sentaient appelées à la vie religieuse et qui acceptèrent de se consacrer au soin des malades. »

C’étaient les sœurs Adèle et Marie Roux, Pétronille Vignal et Marie-Anne Borne et Marie Lachaud. Toutes ces cinq se rendirent chez l’aumônier qui leur donna des conseils et des encouragements.

De ce jour, date officieuse de la Congrégation des Petites-Soeurs des malades.

Il devenait impossible de cacher plus longtemps le dessein poursuivi car pour l’instant les activités de ces sœurs étaient discrètes. Le projet de l’Abbé Serres n’était apprécié par tout le monde, ni par sa hiérarchie ni par les Sœurs  de Nevers qui dirigeaient l’hôpital de Mauriac et qui recevaient une allocation annuelle de trois cents francs pour visiter les malades.

Soeur Adèle défendit la cause auprès de l’archiprêtre  : » il ne s’agissait nullement de rivaliser avec les Sœurs de Nevers. On n’aspirait qu’à soigner les malades à domicile, à faire leur ménage, à les veiller la nuit, toutes choses impossibles à des religieuses chargées de l’Hôpital ».

Pour faire avancer son projet, l’Abbé Serres décida de franchir un nouveau pas : il fallait s’affirmer au plus tôt comme communauté religieuse. Cela fût fait lors de la >Fête de Notre-dame des Miracles , patronne des Petites-Soeurs,en mai 1866, lorsque eût lieu la prise d’habit.

L’Abbé Serres avait déjà en tête cette sorte d’uniforme qui allait permettre de les reconnaître et d’officialiser la Congrégation. Il alla donc acheter à Pleaux une bure épaisse, couleur carmélite. O y tailla la robe d’une seule pièce et la pèlerine. A la ceinture, une corde avec trois nœuds symbolisant les vœux de religion. Sur la poitrine une croix de buis suspendue à un cordon enfil; pour coiffure une petite cornette blanche, avec bavolet afin de couvrir les cheveux.

Alors que la maison de Mauriac n’était pas encore solidement assise, qu’il fallait acheter et bâtir, l’abbé Serres osa, dès 1867, fonder quatre ermitages. Le premier fut celui de Saint-Vincent de Salers. Soeur Marguerite Counil, qui avait pris l’habit, le 15 août 1866, désirait consacrer son modeste patrimoine à un établissement des Petites Soeurs des Malades dans sa paroisse. Le Père accepta aussitôt, loua une chambre chez un brave cordonnier

Plan de l’Eglise du Monastère de Saint-Projet dréssé en 1939 par l’architecte François LASCOMBES ( 93 Fi 2197) et qui m’a été envoyé par les Archives du Cantal le 12 juillet 2023